Le Vatican s'est efforcé samedi de réfuter avec précision les accusations de l'Irlande qui lui reproche d'avoir couvert des abus pédophiles récents, une démarche dont le «sérieux» a rapidement été salué par le gouvernement de Dublin.

Attendu depuis la virulente charge, mi-juillet, du premier ministre irlandais contre le Vatican, le long argumentaire de 17 pages dénonce très explicitement les «graves manquements» du clergé local, et regrette à nouveau les «terribles souffrances» infligées par ce «crime hideux».

Le Vatican nie aussi avoir «entravé» les recherches, «interféré» dans les enquêtes, ou encore cherché à «saper» les mesures prises par le gouvernement irlandais.

La réponse vaticane, adressée à Eamon Gilmore, ministre des Affaires étrangères et vice-Premier ministre, a été remise par Mgr Ettore Balestrero, sous-secrétaire aux rapports avec les États, à Helena Keleher, chargée d'affaires d'Irlande.

Eamon Gilmore a reconnu «le sérieux avec lequel le Saint-Siège» a pris en compte le rapport sur les actes pédophiles commis entre 1996 et 2009 par 19 prêtres du diocèse rural de Cloyne (sud du pays), tout en jugeant certains arguments «techniques et légalistes».

Mi-juillet, réagissant à ce rapport, le premier ministre Enda Kenny avait brisé le tabou des étroites relations avec Rome. Il avait dénoncé «le dysfonctionnement, la déconnexion (des réalités), l'élitisme, le narcissisme qui dominent la culture du Vatican à ce jour».

Le Vatican avait rappelé pour «consultations» son nonce apostolique.

Le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, a assuré que le Vatican a répondu «avec sérieux et respect aux questions et critiques», sans entrer dans des «polémiques inutiles».

Pour le Vatican, «les accusations d'ingérence proférées contre le Saint-Siège sont contredites» par de nombreux rapports, qui «ne fournissent pas la preuve que le Saint-Siège a interféré dans les affaires intérieures irlandaises».

En aucune façon, le Vatican «n'a entravé ou tenté d'interférer avec une enquête sur les agressions sexuelles commises dans le diocèse de Cloyne», dit-il.

La réponse vaticane revient sur les critiques irlandaises portées à une circulaire de la Congrégation pour le clergé datant de 1997. Si cette circulaire exprimait des «réserves» canoniques sur l'obligation de dénonciation des cas d'agressions sexuelles, elle n'a pas «interdit aux évêques irlandais de dénoncer (à la justice) les accusations» ni «encouragé les évêques à violer la loi irlandaise».

Selon Dublin, la circulaire «avait donné un prétexte à certains pour ne pas coopérer complètement avec les autorités civiles irlandaises».

Le document du Vatican de samedi juge «particulièrement inquiétant» que «les graves lacunes du gouvernement ecclésial du diocèse de Cloyne (...) se soient produites alors qu'évêques et supérieurs religieux s'étaient engagés à mettre en oeuvre les directives élaborées par l'Église d'Irlande» et «aussi malgré les normes édictées par le Saint-Siège».

Le rapport d'enquête sur le diocèse de Cloyne avait fait l'effet d'une nouvelle bombe, alors que l'Église était déjà discréditée depuis la publication en novembre 2009 d'un autre rapport sur des agressions sexuelles commises pendant des décennies et passées sous silence par leur hiérarchie dans la région de Dublin.

Le pape Benoît XVI, qui prône la tolérance zéro à l'égard des crimes de pédophilie, avait dénoncé l'inertie de la hiérarchie catholique.

Le «rapport Cloyne» a provoqué un supplément de colère et de découragement parmi les catholiques.

«Le Saint-Siège a proposé de poursuivre le dialogue sur ces questions», a indiqué le vice-premier ministre, «et je vais travailler dans cette voie», ajoute-t-il, dans ce qui semble un geste d'apaisement.

Pour le Saint-Siège, réussir à désamorcer les critiques irlandaises aurait des retombées positives sur sa crédibilité globale dans la lutte contre la pédophilie. Par ailleurs, il juge crucial de conserver son influence en Irlande, pays au riche passé catholique, terre de départ de missionnaires.