Les Russes ont marqué vendredi sans enthousiasme le 20e anniversaire du putsch manqué des conservateurs soviétiques contre la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, parfois nostalgiques de la chute de l'empire qui a suivi et souvent déçus de l'évolution du pays.

Aucune cérémonie officielle n'a été annoncée pour célébrer cet évènement qui a changé le cours de l'histoire du pays dont l'homme fort, Vladimir Poutine, avait qualifié la chute de l'URSS de «plus grande catastrophe géopolitique» du 20e siècle.

Les télévisions ont montré le Premier ministre Vladimir Poutine en réunion avec des handicapés. Le président Dmitri Medvedev, en vacances à Sotchi, sur les bords de la mer Noire «n'a pour l'instant pas» dans son agenda d'évènements liés à la célébration de l'évènement, a indiqué à l'AFP un porte-parole du Kremlin.

Le 19 août 1991, des putschistes soutenus par le chef du KGB, Vladimir Krioutchkov, et le ministre de la Défense, Dmitri Iazov, assurent que le président soviétique Gorbatchev, en vacances en Crimée, est «incapable d'assumer ses fonctions pour raisons de santé». Ils proclament l'état d'urgence, rétablissent la censure et font entrer les chars dans Moscou.

Soutenu par des milliers de Moscovites, le président de Russie, Boris Eltsine, prend la tête de la révolte contre le putsch.

Des unités militaires se rallient.

Un accrochage entre militaires et manifestants fait trois morts, les seuls de ce coup de force qui échoue trois jours plus tard.

Ces évènements ont scellé le sort de l'Union soviétique qui sera finalement dissoute en décembre 1991.

Aujourd'hui, seuls 10% des Russes voient dans la défaite des putschistes une victoire pour la démocratie, selon un sondage publié cette semaine par l'institut indépendant Levada.

Quatre Russes sur dix (39%) qualifient le putsch d'«évènement tragique qui a eu des conséquences néfastes» contre 25% il y a dix ans, selon cette enquête. Près de la moitié des personnes interrogées estiment que le pays «va dans la mauvaise direction».

Mikhaïl Gorbatchev, 80 ans, marginalisé en Russie où la plupart de ses concitoyens le tiennent pour responsable de la chute de l'URSS, a déclaré cette semaine qu'il était «mécontent» de l'évolution du pays, dénonçant «un retour en arrière» en ce qui concerne la démocratie, la pauvreté et l'injustice sociale.

La presse libérale russe se souvient avec nostalgie de la mobilisation sans précédent des jours du putsch et compare, toutes proportions gardées, le régime actuel avec les putschistes.

«Tout a changé en 20 ans, sauf une chose. Ils sont de nouveau au pouvoir», écrit à la une le journal d'opposition Novaïa

Gazeta en référence à Vladimir Poutine, ancien agent du KGB qui a promu un grand nombre de ses anciens collègues à des postes élevés dans la politique et les affaires.

«Le putsch continue», écrit l'écrivain et ancien dissident Vladimir Voïnovitch dans une tribune publiée par le quotidien populaire Moskovski Komsomolets.

«Aujourd'hui nous assistons à une renaissance du putsch, plus douce, beaucoup plus respectueuse de la loi, sans violence affichée», a estimé le politologue Dmitri Orechkine sur la radio Business FM.

L'opposition libérale va déposer des gerbes sur la tombe des «défenseurs de la démocratie», parmi lesquels Boris Eltsine et le violoncelliste Mstislav Rostropovitch.

Les communistes d'ex-républiques soviétiques se sont réunis à Donetsk (est de l'Ukraine) pour honorer les putschistes et discuter de la possibilité de «faire renaître la grande Patrie».

Le chef du PC russe Guennadi Ziouganov a de son côté salué le «courage» des putschistes qui ont «tenté de prévenir la catastrophe: l'effondrement de l'URSS, du parti communiste et du socialisme».