Des milliers de défenseurs de la laïcité ont manifesté mercredi à Madrid contre la visite du pape Benoît XVI, croisant dans un face-à-face tendu de jeunes pèlerins catholiques qui criaient «Vive le pape» ou priaient à leur passage.

De part et d'autre des importants cordons de policiers, certains casqués, qui les séparaient, les deux groupes se sont retrouvés face-à-face sur la place de la Puerta del Sol, dans le centre de la capitale espagnole, échangeant des insultes.

Quelques heurts ont éclaté lorsque les policiers ont interpellé un manifestant qui tentait de s'en prendre à eux à coups de bouteille.

Des centaines de pèlerins qui participent aux Journées mondiales de la Jeunesse et doivent être rejoints jeudi par le pape Benoît XVI ont accueilli les manifestants aux cris de «Vive le pape», «Cette jeunesse est celle du pape». D'autres chantaient «Alleluia», priaient, jouaient de la musique.

Le ton est parfois monté, des cris de «Pédéraste, attention aux enfants» ou «Votre pape est un nazi» fusant du côté des manifestants.

Un jeune manifestant de 18 ans, saignant du nez, racontait avoir reçu «un coup de poing au visage de la part des catholiques».

Plusieurs milliers de manifestants du camp laïc - 4000 selon la police - s'étaient rassemblés dans la soirée derrière une pancarte portant les mots «De mes impôts, zéro centime pour le pape. État laïc», répondant à l'appel de 140 associations de défense de la laïcité, de chrétiens progressistes, de militants de gauche ou de la cause homosexuelle.

De tous âges, ils criaient des slogans ou portaient des pancartes avec les mots: «Cette jeunesse n'est pas celle du pape», «Stop, transphobie, sexisme, homophobie», «Nous exigeons un véritable état laïc, la liberté de conscience est un droit».

Les manifestants promenaient une fausse papamobile, occupée par un faux pape dansant, une tête de diable posée sur le capot, suivie par une petite cohorte de religieuses.

Des manifestants du mouvement des «indignés» participaient au défilé, autour de deux photos géantes du pape et de l'écrivain français Stéphane Hessel, auteur du manifeste Indignez-vous. Les deux portraits étaient légendés par ces mots: «Choc de titans».

«On leur fournit une aide que l'on ne donne à personne d'autre pour la simple raison qu'ils sont religieux, comme l'ouverture d'écoles publiques et de salles sportives, et des réductions sur le prix du métro», s'indignait Irene, une étudiante de 20 ans portant le drapeau républicain rouge, jaune, violet.

Jeudi, Benoît XVI sera accueilli à Madrid par une nouvelle séance de baisers, convoquée sur Facebook par un collectif de défense des homosexuels et transsexuels, sur le modèle des «flashmobs» qui avaient salué sa précédente visite en Espagne en novembre 2010.

L'Espagne, où le mariage homosexuel a été légalisé en 2005 par le gouvernement socialiste, est l'un des pays où la tradition catholique accuse le plus fort recul, face à de puissants courants laïcs qui ont suscité des condamnations du Vatican.

Les défenseurs de la laïcité ont calculé que les différentes administrations auront dépensé plus de cent millions d'euros pour ces JMJ, où sont attendus jusqu'à dimanche un million de pèlerins, un coût jugé exorbitant alors que l'Espagne affiche un taux de chômage de plus de 20%.

Ils dénoncent notamment les coûts liés à la sécurité (plus de 10 000 policiers mobilisés), à l'hébergement, avec la mise à la disposition des pèlerins d'écoles et de salles de sport publiques. Ou encore la réduction accordée aux pèlerins sur les transports, au moment où le prix du ticket de métro vient d'être brusquement porté de un à 1,50 euro.

Les organisateurs des JMJ font eux valoir que ces journées, avec un coût estimé à 50,5 millions d'euros, sont autofinancées par les contributions des pèlerins et les dons d'entreprises, et évaluent à cent millions d'euros les retombées pour l'économie locale.