Le célèbre trois-mâts Maud, construit pour l'explorateur Roald Amundsen et prisonnier depuis plus de 80 ans de l'océan Arctique, pourrait retraverser l'Atlantique pour retourner en Norvège. Si le Canada le permet, ce qui n'est pas acquis.

L'état de l'épave est excellent, a assuré lundi à l'AFP Jan Wanggaard, un Norvégien allé à Cambridge Bay pour étudier les problèmes techniques que pourrait poser son renflouement et sonder les autorités et la population de ce port de l'île Victoria, dans le Passage du Nord-Ouest.

«Ce bateau de chêne, incroyablement solide, est resté en raisonnablement bon état grâce aux eaux froides et propres de l'Arctique», a expliqué M. Wanggaard, interviewé depuis Montréal.

«Certains habitants âgés qui sont venus nous voir sur la plage se sont excusés d'avoir enlevé des pièces du Maud pour les utiliser comme matériau de construction, il y a un demi-siècle. Je leur ai pardonné au nom de Roald Amundsen, qui aurait sûrement pensé que c'était la chose à faire», a-t-il ajouté.

Théoriquement, l'opération financée par Espen Tandberg et ses deux frères, à la tête d'une entreprise de bâtiment norvégienne, pourrait intervenir dans un an: l'épave serait hissée sur une grande barge et remorquée jusqu'à Asker, le lieu de sa construction, pour être placée dans un musée, également financé par les Tandberg.

Mais certains habitants de Cambridge Bay y sont opposés - l'épave est devenue avec le temps une sorte d'attraction touristique -, ainsi qu'une importante organisation de protection de sites historiques basée à Paris, ICOMOS.

La présidente du Comité du patrimoine polaire d'ICOMOS, Susan Barr, a déclaré dans un courriel à l'AFP qu'il valait mieux «laisser intacts les sites du patrimoine culturel plutôt que transporter de gros objets vers des musées lointains».

Elle suggère que les frères Tandberg financent la protection de l'épave «là où elle se trouve» et souligne que les Canadiens du Nord sont de plus en plus attachés à tout ce qui fait partie de leur histoire.

M. Wanggaard, qui a été en contact avec elle, dit «respecter son opinion», mais pense que «toute personne qui veut préserver le Maud doit être réaliste et heureuse que quelqu'un soit prêt à investir de l'argent pour sauver ce bateau qui a été à l'abandon pendant si longtemps».

«Je suis d'accord que, idéalement, on devrait préserver les objets historiques sur place. Mais, quand cela n'a pas été fait et que l'objet est sur le point de tomber en miettes, on doit chercher d'autres solutions. Or il n'y a qu'une solution réelle sur la table, avec des garanties financières, pour sauver le Maud, et c'est notre proposition», explique-t-il.

Le bateau, lancé en 1917 pour remplacer le «Fram», avait permis à Amundsen d'explorer le Passage du Nord-Ouest entre 1918 et 1920, puis, sans lui, entre 1922 et 1925, apportant une riche moisson de résultats scientifiques.

Le Maud a dû être vendu en 1925 à la Compagnie de la Baie d'Hudson pour couvrir les dettes des expéditions. Rebaptisé «Baymaud», il a coulé en 1930, tout près de la rive de Cambridge Bay, dans le territoire du Nunavut, où l'on peut toujours voir une partie de la coque sortant de l'eau - ou de la glace.

L'épave a été rachetée en 1990 pour un dollar symbolique par la commune norvégienne d'Asker. Cette dernière a même obtenu un permis d'exportation du Canada, mais n'a pu l'utiliser, faute de finances. Le permis a maintenant expiré et les animateurs de la campagne «Maudreturnshome» vont bientôt en demander un nouveau au ministère canadien du Patrimoine, via l'ambassade norvégienne à Ottawa.