Trois photographes géorgiens, dont celui du président Mikheïl Saakachvili et celui de l'agence EPA, ont été inculpés d'espionnage au profit de la Russie et placés en détention préventive, a annoncé samedi le ministère de l'Intérieur de l'ex-république soviétique.

Le ministère affirme que Zourab Kourtsikidzé, qui travaille pour EPA, a transmis au service de renseignement du ministère russe de la Défense des clichés pris par le photographe du président, Irakli Guédenidzé, et par celui du service de presse du ministère géorgien des Affaires étrangères, Guiorgui Abdaladzé.

Des informations confidentielles concernant les déplacements de M. Saakachvili et des plans du bâtiment de l'administration présidentielle ont été découverts lors des arrestations, assure encore le communiqué du ministère géorgien.

«L'enquête a conclu que Zourab Kourtsikidzé entretenait des liens avec le service de renseignement du ministère de la Défense de la Fédération de Russie», assure le ministère.

Selon les enquêteurs, les deux autres photographes étaient payés pour prendre des images que M. Kourtsikidzé adressait à Moscou.

La femme d'Irakli Guédenidzé, la photographe Natia Guédenidzé, arrêtée en même temps que les trois autres jeudi, a, elle, été relâchée.

Les trois hommes ont été présentés samedi à un tribunal de Tbilissi lors d'une audience à huis clos. La Cour a prononcé leur inculpation et leur placement pour deux mois en détention préventive.

Les photographes ont pour leur part clamé leur innocence, selon leurs avocats, cités par des médias locaux.

Par ailleurs, les autorités ont diffusé une vidéo d'un interrogatoire de M. Guédenidzé dans lequel il affirme avoir été forcé de donner des photos à Kourtsikidzé et qu'il soupçonnait que celui-ci travaillait pour un service de renseignement.

«Je réalisais que cela avait quelque chose à voir avec des services spéciaux, et mes suspicions ont été renforcées car il envoyait ses photos (à son agence) à Moscou», y dit-il.

Les enquêteurs ont aussi diffusé des enregistrements de conversations entre les trois hommes où il est question de paiements.

Contacté par l'AFP le rédacteur en chef d'EPA, Cengiz Seren a rejeté en bloc ces accusations, expliquant que Zourab Kourtsikidzé recourait parfois aux services des deux autres photographes en tant que pigistes lorsqu'il n'était pas à même de couvrir un évènement.

«Apparemment, (toute cette affaire) concerne notre photographe qui a demandé aux autres photographes leurs coordonnées bancaires pour qu'EPA puissent les payer», explique-t-il

«Cela a été enregistré (par les services géorgiens) qui ont conclu qu'un plus un égal cinq, et ont décidé que c'était un réseau d'espions», a-t-il dit par téléphone depuis Francfort, «j'espère que tout cela va être éclairci très très vite», a ajouté M. Seren.

Le photographe Guiorgui Abdaladzé a lui réussi à transmettre vendredi un message aux médias géorgiens clamant son innocence.

«J'en appelle à tous les journalistes pour qui rétablir la vérité sur cette action injuste contre la liberté de la presse est important : ne vous rendez pas et ne permettez pas une nouvelle attaque illégale», a-t-il écrit dans une note manuscrite.

Vendredi, le président Saakachvili a nié être derrière ces arrestations, se disant «affligé» par l'arrestation de son photographe personnel mais que ses sentiments «ne comptaient pas».

La Géorgie a annoncé à plusieurs reprises ces dernières années avoir démantelé des réseaux d'espions russes, et Moscou a, à chaque fois, balayé ces accusations.

Les deux pays entretiennent des relations exécrables depuis leur courte guerre en août 2008 pour le contrôle de la région séparatiste géorgienne d' Ossétie du Sud. Le conflit s'est soldé par la défaite de Tbilissi.