Le roi Albert II s'est inquiété vendredi de la «gravité» de l'impasse politique en Belgique et a exhorté les partis à «chercher des solutions», alors que de nouvelles élections risqueraient de creuser encore le fossé entre Flamands et francophones.

«Compte tenu de la gravité de la situation politique, le roi souhaite que chaque responsable politique du pays prenne quelques jours de réflexion pour mesurer les conséquences de la situation politique et chercher des pistes de solution», dit un communiqué du Palais, alors que la Belgique n'a toujours pas de nouveau gouvernement, 390 jours après les dernières élections.

Le souverain belge a refusé dans l'immédiat la démission que lui a présentée dans l'après-midi le socialiste francophone Elio Di Rupo. Il l'avait chargé le 16 mai de former enfin un vrai gouvernement, toujours introuvable depuis les élections du 13 juin 2010.

Le chef de l'État semble vouloir peser de tout son poids symbolique pour éviter à tout prix de nouvelles élections anticipées.

M. Di Rupo avait mis lundi sur la table un programme gouvernemental de rigueur budgétaire et un projet de réforme prévoyant un renforcement de l'autonomie des régions belges, pour répondre aux revendications des Flamands.

Mais ces propositions ont été balayées jeudi par le parti indépendantiste flamand N-VA de Bart De Wever, coupant court aux espoirs d'une sortie rapide de la crise.

Premier parti de Flandre, la N-VA, formation libérale-conservatrice, prône avec force l'indépendance à terme de la région néerlandophone du nord du pays.

Le 11-Septembre de la Belgique

«On peut parler d'une crise de système. Plus aucun scénario n'offre une issue acceptable, tout est bloqué», estime le politologue Carl Devos, tandis que le quotidien flamand De Standaard juge que «le 7/7/2011 est devenu le 11-Septembre de la Belgique».

Confier une nouvelle mission de médiation à Bart De Wever lui-même semble illusoire, tant le fossé est grand entre son programme nationaliste et les positions des francophones qui redoutent un éclatement du pays en allant trop loin dans l'autonomie accordée aux régions.

Former un gouvernement sans la N-VA paraît cependant irréaliste vu son importance en Flandre.

Enfin, une scission pure et simple du pays poserait le problème du sort à réserver à Bruxelles, siège de l'Union européenne et ville majoritairement francophone, mais enclavée en Flandre.

Dans l'immédiat, le plus probable est donc que le gouvernement sortant du premier ministre Yves Leterme (CD&V) continue à gérer pour quelques mois encore les «affaires courantes» --rebaptisées «affaires marathoniennes»-- comme il le fait depuis avril 2010, en préparant notamment le budget 2012.

Menace des marchés

Dans ce cas, les réformes fondamentales dont la Belgique a besoin, en particulier dans le secteur des retraites, seraient reportées sine die, avec à la clé le risque pour le pays de se retrouver à son tour sous la pression des marchés financiers en raison de sa dette publique, l'une des plus élevées d'Europe.

Reste donc l'hypothèse de nouvelles élections. Officiellement, elle ne réjouit aucun parti, car un scrutin risque de déboucher sur une radicalisation des deux camps, la N-VA dans le Nord et le PS dans le Sud francophone ayant le vent en poupe dans les sondages.

«Nous observons attentivement les différentes évolutions et continuons à faire confiance aux forces démocratiques pour trouver un accord et former un gouvernement aussi vite que cela est possible», a déclaré vendredi un porte-parole de la Commission européenne, sortant de sa réserve habituelle.