La justice russe a levé jeudi une interdiction de sortie de territoire de six mois imposée à deux figures de l'opposition, l'ex-vice-Premier ministre Boris Nemtsov et son allié Vladimir Milov, quelques heures après l'adoption d'une résolution critique du Parlement européen.

Cette mesure a été adoptée «prématurément», indique le Service fédéral des huissiers de justice sur son site internet, sans plus de précisions.

Jeudi matin, les deux opposants avaient annoncé sur leurs blogues respectifs que la justice leur avait interdit de sortir de Russie pendant six mois, une décision prise en lien avec la publication d'un livret critiquant le bilan de l'actuel Premier ministre Vladimir Poutine et qu'ils ont co-écrit.

Les deux hommes avaient appris la nouvelle par téléphone mercredi par un de leurs avocats alors qu'ils se trouvaient à Strasbourg pour participer à une conférence sur la démocratie.

Cette décision a entraîné une réaction immédiate du Parlement européen  qui a demandé jeudi de «lever l'interdiction de voyage de six mois» imposée à M. Nemtsov, un appel vivement critiqué par le ministère russe des Affaires étrangères.

«Le fait que le Parlement européen essaye à nouveau d'interférer dans nos lois n'a rien de nouveau», a déclaré le porte-parole de la diplomatie russe Alexandre Loukachevitch, cité par les agences.

L'interdiction de quitter le pays avait été prononcée car les deux hommes n'ont pas totalement respecté une décision de justice les obligeant à publier un démenti de leurs allégations concernant l'homme d'affaires et milliardaire Guennadi Timtchenko, spécialisé dans le commerce de l'énergie.

Dans leur livret, «Poutine, Bilan, 10 ans» publié en 2010, les deux opposants affirmaient que M. Timtchenko connaissait l'ex-président et actuel Premier ministre Vladimir Poutine avant son arrivée au pouvoir et a utilisé ces liens d'amitié pour bâtir sa fortune.

M. Timtchenko a nié ces allégations et lancé des poursuites. La justice a tranché en sa faveur et ordonné aux auteurs du livre de publier un démenti. Mais le démenti diffusé n'a pas respecté totalement les exigences du tribunal, est-il indiqué dans les documents publiés sur les blogues des opposants.

Cette affaire intervient alors que le Parlement européen a également adopté jeudi une résolution dénonçant «la lourdeur des procédures d'enregistrement des partis politiques en Russie, lesquelles ne sont pas conformes à la convention européenne des droits de l'Homme».

Fin juin, le ministère russe de la Justice a refusé d'enregistrer le parti d'opposition Parnas, créé notamment par Boris Nemtsov, Vladimir Milov et Mikhaïl Kassianov, un ex-Premier ministre de M. Poutine, à l'approche d'élections législatives et présidentielle en Russie.

La justice russe avait alors invoqué «des clauses contraires à la législation russe» dans le statut du parti.

«Je suis persuadé que c'est une vengeance de Poutine» en raison de la publication de livres sur la corruption dans son entourage, avait déclaré M. Nemtsov.

De son côté, M. Milov avait ironisé sur la situation dans son blogue.

«Bien sûr, limiter la liberté de mouvement est une affaire fâcheuse. Mais ils considèrent, en vain, qu'être en Russie est pour moi une sorte de punition», a-t-il écrit.

«J'aime la Russie et je n'aime vraiment pas Timtchenko et son protecteur Poutine», a-t-il ajouté, soulignant qu'étant en Russie, il pouvait «leur causer beaucoup plus de désagréments» que s'il était à l'étranger.