L'opposante et ex-premier ministre ukrainienne Ioulia Timochenko a comparu vendredi devant la justice pour abus de pouvoir, un procès sous haute tension pendant lequel elle a dénoncé une «farce» judiciaire orchestrée selon elle par le président Viktor Ianoukovitch.

Le procès visant l'ex-égérie de la Révolution orange de 2004 s'est ouvert dans la petite salle du tribunal Petcherski dans le centre de Kiev, pleine à craquer et où régnait une chaleur étouffante. La première séance a duré près de neuf heures.

«C'est une farce et un cirque, et non un procès», a dit au juge Mme Timochenko. «Ils veulent m'envoyer en prison, mais (...) ma voix sera encore plus forte», a-t-elle ajouté.

L'opposante et son avocat, le député Sergui Vlassenko, ont déposé plusieurs requêtes demandant notamment la révocation du juge, Rodion Kireev, ou le transfert du procès dans une salle plus spacieuse. Elles ont été toutes rejetées.

Ils ont refusé de répondre à la plupart des questions de procédure pendant la séance et de se lever en s'adressant au juge, en dépit des normes judiciaires.

«Ianoukovitch est un pleutre, il craint la concurrence politique et l'opposition», a ensuite déclaré Mme Timochenko aux journalistes lors d'une interruption de séance.

Mme Timochenko, qui comparait libre, encourt 10 ans de prison pour cette accusation d'abus de pouvoir dans la conclusion d'accords gaziers avec la Russie jugés très désavantageux pour Kiev lorsqu'elle était premier ministre en 2009.

Le parquet soutient que ces accords ont infligé à l'État ukrainien des pertes de plus de 1,5 milliard de hryvnias (environ 130 millions d'euros).

Mme Timochenko accuse de son côté le président Ianoukovitch de vouloir l'évincer de la scène politique en vue des législatives de 2012 et de la présidentielle de 2015.

Mercredi, Mme Timochenko a porté plainte devant la Cour européenne des droits de l'Homme, accusant M. Ianoukovitch d'avoir orchestré contre elle des poursuites «politiques».

Plusieurs diplomates occidentaux ont suivi vendredi la séance. «Cela ressemble un peu à la justice, mais à pas celle des Etats européens», a déclaré à l'AFP un diplomate européen.

Le chef de la représentation de l'Union européenne en Ukraine Jose Manuel Pinton Teixeira, couvert de sueur, a dénoncé des conditions «inhumaines» du procès en sortant du tribunal.

À l'extérieur, plusieurs milliers de manifestants étaient venus dès le matin soutenir Mme Timochenko, brandissant les drapeaux blanc et rouge de son mouvement politique d'opposition.

Un important dispositif policier a bloqué les accès au tribunal.

Mme Timochenko, qui était la rivale de l'actuel chef de l'État à la présidentielle de février 2010, reste toujours selon les sondages son plus sérieux adversaire.

Deux autres dossiers de poursuites judiciaires la visent, dans lesquelles elle est accusée d'avoir utilisé pour renflouer les retraites des fonds qui n'y étaient pas destinés, et d'avoir conclu des achats d'ambulances à un prix supérieur à celui du marché.

Des experts ukrainiens estiment que l'opposante sera vraisemblablement condamnée avec sursis.

Un des chefs de la Révolution orange pro-occidentale de 2004, Mme Timochenko a dirigé le gouvernement en 2005, puis de 2007 à 2010, avant de perdre le poste de premier ministre après l'élection de M. Ianoukovitch à la présidence.

Nombre d'autres anciens hauts responsables de son gouvernement sont également visés par des enquêtes pour abus de pouvoir.

Les États-Unis et les Européens ont exprimé leur inquiétude quant à une instrumentalisation de la justice dans cette ex-république soviétique.