La désintégration de la Yougoslavie était inévitable, a indiqué vendredi à l'AFP Stipe Mesic, le dernier président de l'ancienne Fédération, à la veille du 20e anniversaire de la proclamation d'indépendance de la Croatie et de la Slovénie.

M. Mesic s'est exprimé au moment où les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont donné à Bruxelles leur feu vert de principe à l'adhésion de la Croatie à l'horizon de l'été 2013.

«La Yougoslavie aurait pu se maintenir comme modèle avec trois principaux facteurs d'intégration, Josip Broz Tito (l'ancien dirigeant yougoslave de 1945 à sa mort, en 1980), le Parti communiste et l'Armée populaire de Yougoslavie (JNA)», selon M. Mesic.

La proclamation d'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, le 25 juin 1991, a précipité la fin de la Fédération yougoslave, dont les six républiques constitutives (Slovénie, Croatie, Bosnie, Macédoine, Serbie, Monténégro) se sont séparées.

Les guerres d'indépendance en Croatie (1991-1995) et en Bosnie (1992-1995) ont été particulièrement sanglantes.

Tito a dirigé sans partage la Fédération yougoslave avec un gouvernement communiste, faisant de la Fédération le pays le plus prospère de l'ancien bloc socialiste et indépendant de Moscou.

«Avec la mort de Tito, personnalité charismatique, le principal facteur d'intégration (de la Fédération yougoslave) a disparu», a poursuivi M. Mesic, 76 ans.

Pour lui, Slobodan Milosevic, l'ancien homme fort à Belgrade de 1989 à 2000, est le grand responsable de la désintégration de l'ex-Yougoslavie en raison de sa «fixation en faveur de la création d'une Grande Serbie», qui aurait rassemblé dans un même État les Serbes des Balkans, dispersés entre différents pays de la région.

«Le Parti communiste (de Yougoslavie), formation multiethnique, s'est effondré à cause de Milosevic et de son régime, et la JNA, une structure coûteuse, énorme et inerte, estimait qu'il (Milosevic) était le seul à même de pouvoir maintenir (l'armée) dans cet état», selon M. Mesic.

En tant qu'ancien président de la présidence collégiale yougoslave, un poste qu'il occupa de juillet à décembre 1991, M. Mesic se souvient avoir proposé la création pour quelques années d'une confédération d'États indépendants, le temps de voir comment elle pourrait fonctionner.

«Mais Milosevic n'était pas intéressé. Il voulait une «Grande Serbie» ethniquement pure et a utilisé la JNA à cette fin».

«Il n'y avait pas d'autre solution que l'indépendance. C'était la seule façon de s'en sortir puisque la confédération n'était pas acceptée», a expliqué M. Mesic.

«La guerre (d'indépendance) aurait pu être évitée uniquement si Milosevic avait abandonné ses objectifs guerriers. S'il avait voulu une solution pacifique, il aurait accepté un modèle confédéral».

Les proclamations d'indépendance ont été suivies en Slovénie d'une guerre de dix jours, peu coûteuse en vies humaines, mais longues et sanglantes en Croatie (1991-1995).

Mais pour Stipe Mesic, le régime autocratique du nationaliste Franjo Tudjman, auquel il allait succéder en 2000 comme président de la Croatie, a également freiné la progression de son pays vers l'Union européenne.

«Nous n'étions pas un pays où régnait l'état de droit», a-t-il dit, dénonçant notamment des privatisations frauduleuses et les résistances à coopérer avec la justice internationale sur les crimes de guerre.

Stipe Mesic a été le président de la Croatie de 2000 à 2010, imprimant à son pays une orientation clairement européenne.

L'UE vient de donner son feu vert de principe à l'adhésion de la Croatie à l'horizon de l'été 2013.

Tout en se déclarant optimiste sur l'avenir de son pays, M. Mesic se garde de tout enthousiasme excessif.

«Je suis optimiste. Mais bien sûr, certaines choses ne se sont pas passées comme nous l'aurions souhaité. L'UE n'a pas résolu complètement ses problèmes institutionnels et le capitalisme néo-libéral est en crise».