La justice française a ouvert une enquête sur le rôle de hauts fonctionnaires qui ont rendu une sentence arbitrale favorable à l'homme d'affaires Bernard Tapie dans un litige financier complexe, une décision qui pourrait fragiliser la candidature de la ministre Christine Lagarde au Fonds monétaire international.

Cette annonce intervient à la veille du grand oral de la ministre de l'Économie devant le conseil d'administration du FMI, qu'elle cherchera à convaincre de la désigner pour succéder à Dominique Strauss-Kahn à la tête de l'institution.

L'enquête préliminaire du parquet de Paris est distincte de la procédure devant la Cour de Justice de la République qui doit décider le 8 juillet si elle ouvre une enquête pour abus d'autorité visant explicitement la ministre dans sa gestion du litige qui opposait Bernard Tapie à l'ex-banque publique Crédit Lyonnais au sujet de la vente d'Adidas en 1993.

Le parquet a ouvert mi-juin cette enquête pour «abus de pouvoirs sociaux» visant implicitement Jean-François Rocchi, le président du Consortium de Réalisations (CDR), la structure publique où étaient cantonnés les actifs douteux de l'ex-Crédit Lyonnais lorsqu'il s'est retrouvé au bord de la faillite au milieu des années 90, a indiqué mercredi une source proche de l'enquête.

Le parquet s'intéresse également, à un degré moindre, à Bernard Scemama, ancien président de l'Établissement public de Financement et de Réalisation (EPFR), l'entité qui contrôle le CDR, a-t-on ajouté de même source. L'enquête va être confiée à la brigade financière de la police judiciaire parisienne.

Ces deux personnes ont joué le rôle d'arbitre en application de la décision de la ministre de l'Économie de recourir en 2007 à un arbitrage pour solder l'affaire Tapie/Crédit Lyonnais.

Cette enquête fait suite à un rapport du procureur général de la Cour des comptes récemment réalisé sur l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie, a précisé cette source proche de l'enquête, confirmant une information du Monde.

En juillet 2008, le tribunal arbitral avait condamné le CDR à verser 240 millions d'euros de réparation à Bernard Tapie, auxquels s'ajoutaient une centaine de millions d'euros d'intérêts et surtout 45 millions d'euros pour préjudice moral.

Le parquet cherche à savoir si le président du CDR a «caché un certain nombre d'éléments» à son conseil d'administration au moment de recourir à un arbitrage, a précisé la source proche de l'enquête.

L'entourage de la ministre a estimé mercredi que cette nouvelle enquête ne révélait rien de neuf et comportait des «erreurs».

Dans son rapport révélé par le site Mediapart, la Cour des comptes note que le compromis d'arbitrage signé le 16 novembre 2007 est différent du texte validé par le conseil d'administration.

M. Rocchi est soupçonné d'avoir permis l'ajout de la mention «préjudice moral» à la version finale non soumise au conseil d'administration qui a  permis à Bernard Tapie de toucher 45 millions de plus. Fin mars, le haut fonctionnaire avait démenti avoir contourné son conseil d'administration.

Des soupçons pèsent par ailleurs sur l'impartialité d'un troisième juge arbitre, Pierre Estoup, intervenu dans deux affaires distinctes, en 1999 et en 2001, dans des arbitrages à la demande de Me Maurice Lantourne, l'avocat de Bernard Tapie.