L'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, 88 ans, doit être placée sous une forme de tutelle pour gérer son patrimoine, estiment des médecins mandatés par la justice, mesure qui pourrait avoir des répercussions sur la gouvernance du géant des cosmétiques.

Ces experts, nommés en novembre par une juge des tutelles, n'ont toutefois pas examiné directement la femme la plus riche de France, engagée dans une âpre bataille judiciaire à rebondissements avec sa fille, Françoise Bettencourt-Meyers.

Constatant, au vu de son dossier médical, une «altération conjointe des facultés mentales et physiques» de la milliardaire, qu'ils jugent atteinte d'une «maladie cérébrale», les experts estiment que Liliane Bettencourt «doit pouvoir bénéficier d'une mesure de protection dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel, de type curatelle renforcée».

Ces trois médecins ont rendu leur expertise fin mai. Contacté par l'AFP, l'avocat de l'héritière, Pascal Wilhelm, n'a pas souhaité «commenter une violation manifeste du secret médical».

En mars déjà, la juge des tutelles avait estimé que Liliane Bettencourt, malade, était dans «l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts» mais ne concluait pas encore à une mise sous protection.

La Cour de cassation devrait examiner le 20 juin les suites à donner à la procédure de demande de mise sous tutelle engagée par Françoise Bettencourt-Meyers.

Après une réconciliation entre la milliardaire et sa fille unique fin 2010, les hostilités ont repris de plus belle. Le 7 juin, Françoise Bettencourt-Meyers a déposé une nouvelle requête devant un juge, accusant l'entourage proche de sa mère de mettre en péril les intérêts financiers de l'octogénaire.

La saga judiciaire familiale remonte à 2007, avec des procédures entamées par Françoise Bettencourt-Meyers. Elle accusait alors l'écrivain-photographe François-Marie Banier d'avoir abusé de la faiblesse de sa mère pour obtenir près d'un milliard d'euros de dons.

Le conflit familial avait débordé sur le terrain politico-fiscal à l'été 2010, en impliquant l'ancien ministre Éric Woerth pour des soupçons de conflits d'intérêts.

Dans le cadre d'une «curatelle renforcée», il est prévu que le représentant désigné perçoive seul les revenus de sa protégée et assure le règlement de ses dépenses.

Un placement sous curatelle renforcée n'impliquerait pas obligatoirement que Mme Bettencourt renonce à son mandat d'administratrice de L'Oréal, a expliqué à l'AFP Me Richard Valeanu, spécialiste du droit des sociétés.

«Le magistrat peut restreindre sa capacité en prévoyant qu'elle ne peut pas prendre part aux conseils d'administration, mais il faut qu'il le prévoie spécifiquement», a ajouté Me Valeanu.

Le mandat d'administratrice de Mme Bettencourt a été renouvelé pour 4 ans le 22 avril lors de l'assemblée générale du groupe.

Un départ de Mme Bettencourt romprait de facto l'équilibre du conseil d'administration, composé notamment des trois membres de la famille Bettencourt et de trois représentants du groupe suisse Nestlé, le deuxième actionnaire de L'Oréal.

Un pacte d'actionnaires lie les Bettencourt à Nestlé, qui interdit aux deux parties d'accroître leur part jusqu'à six mois après le décès de Liliane Bettencourt. Il leur accorde jusqu'en 2014 un droit de préemption mutuel si l'une venait à vendre ses parts.