Une bactérie mortelle, qui a déjà fait 17 morts, dont 16 en Allemagne, a coupé net l'appétit des consommateurs pour les crudités, mettant en difficulté les producteurs agricoles de toute l'Europe.

En Allemagne, foyer de la contamination par la bactérie E.coli 0104, la fédération agricole Bauernverband évoque un manque à gagner de 4 millions d'euros par jour des maraîchers. «En début de semaine on parlait encore de 2 millions», explique à l'AFP son porte-parole Joachim Funke.

Il évoque pour certains producteurs, notamment de concombres, des baisses de chiffre d'affaires «de 80% à 90%». Les concombres qui ne trouvent pas preneur pourrissent et sont utilisés comme déchets organiques.

Les autorités sanitaires allemandes avaient déconseillé la semaine dernière la consommation de tomates, salades et concombres, et incriminé des cucurbitacées en provenance d'Espagne.

Mercredi soir la Commission européenne a annoncé avoir levé la mise en garde lancée contre les concombres espagnols. Selon un communiqué de la Commission «les derniers tests menés en Espagne et en Allemagne sur des concombres produits en Espagne n'ont pas décelé la présence de la souche 0104 de la bactérie E.coli».

L'origine de la bactérie n'est toutefois toujours pas identifiée et cette incertitude ne va pas contribuer à redonner confiance aux consommateurs.

Dans cette crise, les producteurs espagnols estiment qu'ils paient injustement les pots cassés.

«Presque toute l'Europe» a arrêté d'acheter leurs fruits et légumes, a déploré mardi Jorge Brotons, président de la Fédération espagnole des producteurs-exportateurs de fruits et légumes (Fepex), évaluant les pertes à environ 200 millions d'euros par semaine. L'Espagne, premier producteur européen de fruits et légumes, exporte en grande quantité en Allemagne.

Les exportations de légumes des Pays-Bas vers son voisin, évaluées à 10 millions d'euros par semaine, ont, elles, cessé, tandis que les producteurs belges évoquent un impact de 3 à 3,5 millions d'euros par semaine.

En Italie, le syndicat agricole Coldiretti estime à 3 millions d'euros le manque à gagner par jour et s'inquiète d'une «psychose qui risque d'être dévastatrice pour la santé et pour l'économie».

Et ce d'autant plus que les Allemands ne sont pas les seuls à bouder les légumes frais.

«Il y a une crise de consommation partout» en Europe, avec «une diminution radicale de la consommation de fruits et légumes, et pas seulement des concombres», reconnaît mercredi un porte-parole de la Commission européenne, interrogé par l'AFP.

En France, «il y a clairement une panique sur le concombre», déclare Pierre Diot, qui représente les producteurs de tomates et concombres. Les ventes de ce légume ont chuté de 80% en quelques jours, le cours de la tomate de 20%.

En Belgique aussi, les ventes se sont effondrées. «Seulement un quart des concombres ont été vendus aujourd'hui, à un quart du prix normal», explique le secrétaire général de la Fédération des criées belges (VBT), Philippe Appeltans. Tomates, poivrons et aubergines sont aussi concernés.

Tout cela «va mettre des entreprises en grande difficulté», prédit M. Diot.

Et ce dans un secteur déjà à la peine. En Allemagne, les producteurs de fruits et légumes ont déjà été malmenés par des gels tardifs en mars et avril.

En France, c'est la sécheresse qui met cette année tout le monde agricole dans une situation critique.

Un porte-parole de la Commission européenne juge les pertes des agriculteurs «énormes», et évoque quelques pistes pour leur venir en aide, allant d'aides publiques classiques au rachat d'une partie de la récolte par des organisations de producteurs, avec l'aide de l'UE.

En Allemagne, le ministère de l'Agriculture veut d'abord concentrer son énergie sur la recherche de l'origine de la contamination. En attendant, la banque agricole publique Rentenbank va débloquer des crédits à taux préférentiels pour les exploitants.