La bactérie Escherichia coli entéro-hémorragique (ECEH) fait des ravages en Europe sur fond de polémique, les autorités ne s'entendant pas sur le rôle réel ou supposé de concombres espagnols dans sa propagation.

En Allemagne, une quinzaine de personnes sont mortes dans les derniers jours. L'institut de veille sanitaire Robert-Koch a indiqué hier que 1150 personnes avaient été contaminées et que 373 d'entre elles avaient des troubles rénaux graves qui peuvent entraîner la mort. La veille, l'organisation ne recensait que 329 cas de cette nature.

Un spécialiste allemand, Jan Galle, a indiqué hier à l'Agence France-Presse que le nombre de cas recensés en 10 jours dans le pays excède le total normalement observé dans une année complète.

Le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies estime qu'il s'agit de l'une des pires vagues de contamination à l'ECEH jamais observées.

Des personnes ont aussi été contaminées dans une demi-douzaine de pays d'Europe, la plupart du temps à la suite d'un séjour en sol allemand. Hier, la Suède a annoncé la mort d'une femme de 58 ans - c'est la première victime hors des frontières de l'Allemagne.

La semaine dernière, les autorités allemandes ont indiqué que la bactérie avait été détectée dans deux lots de concombres importés, l'un d'Espagne, l'autre des Pays-Bas. Les premiers résultats des tests indiquent toutefois qu'il ne s'agit pas de la même souche que celle qui a mené à l'hospitalisation de centaines de personnes. D'autres résultats sont attendus aujourd'hui mais, à tort ou à raison, plusieurs États ont fermé leurs frontières aux produits frais espagnols.

La Russie a notamment interdit toute importation de concombres, de tomates ou de salades en provenance de l'Espagne ou de l'Allemagne. Plusieurs autres pays ont décrété des interdictions partielles.

La France a demandé la destruction d'un lot important de concombres importés d'Espagne par un grossiste du Finistère, dans le nord-ouest du pays. La majeure partie du lot avait déjà été vendue à des restaurateurs et consommée. Six cas de contamination ont été signalés à ce jour dans le pays.

Le ministre de la Santé de la France, Xavier Bertrand, a demandé hier aux autorités allemandes et européennes de déterminer le plus rapidement possible l'origine de la bactérie. Il a parallèlement appelé la population à ne pas céder à l'affolement.

À Paris, quelques commerçants rencontrés hier par La Presse ont indiqué que leurs clients réagissaient avec calme. «Il y en a qui posent des questions. Mais ils sont rassurés quand on leur dit que tous nos produits sont français et non pas espagnols», a expliqué hier Laurence Azria, qui gère le Jardin des délices, un petit magasin de fruits et légumes du 4e arrondissement.

«C'est sûr que si ça continue, ce n'est pas très bien non plus pour nous... Les gens ne comprennent pas trop et font des amalgames», a-t-elle déclaré.

Karim, qui gère un petit magasin d'alimentation général non loin de là, affirme qu'une seule cliente a évoqué la situation en lui demandant à la blague s'il avait des concombres contaminés. «Mais c'est vrai que je n'en vends pas beaucoup, en ce moment», dit-il.

Il ne savait d'ailleurs pas si ses concombres étaient d'origine espagnole. «Ils sont français. Ils ne sont pas contaminés», a-t-il lancé en riant après avoir inspecté l'étiquette de la boîte posée sur l'étal.

La situation amuse beaucoup moins la ministre de l'Agriculture de l'Espagne, Rosa Aguilar, qui demande à l'Europe d'aider les producteurs de son pays, qui s'exposent à un manque à gagner potentiel de 200 millions d'euros par semaine.