Les ultra-nationalistes serbes manifestent dimanche soir à Belgrade pour dénoncer la «trahison» que représente à leurs yeux l'arrestation en Serbie de Ratko Mladic, l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, en instance de transfert vers la Haye.

Tout peut aller désormais très vite concernant le départ de Ratko Mladic vers le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, qui pourrait intervenir dès lundi ou mardi, selon le président du Tribunal par intérim, le juge Mehmet Guney, cité dimanche par l'agence de presse turque Anatolie.

L'avocat de Ratko Mladic entend faire appel lundi de la décision du Tribunal serbe pour les crimes de guerre aux termes de laquelle son client est transférable vers la Haye, où il devra répondre notamment de génocide pour son rôle pendant la guerre en Bosnie (1992-1995).

Un panel de trois juges examinera alors cet appel et disposera d'un délai de trois jours au maximum pour rendre sa décision.

Si l'appel est rejeté, le ministère serbe de la Justice signera l'ordre de transfèrement.

À la Haye, le TPI attend d'ores et déjà Ratko Mladic et les trois juges qui seront chargés de statuer sur son cas ont été nommés.

Une manifestation qui inquiète

La manifestation de dimanche à 19H00 heure locale (15H00 heure de Montréal) est la première à laquelle appelle le Parti radical (SRS, opposition ultra-nationaliste) depuis l'arrestation de Ratko Mladic, jeudi dans le nord-est de la Serbie, après seize années de fuite.

L'arrestation de l'ancien militaire n'a donné lieu pour l'instant en Serbie qu'à quelques rassemblements spontanés de quelques centaines de personnes à peine.

Le SRS a assuré vouloir une «manifestation pacifique», une députée du Parti radical, Vjerica Radeta, estimant qu'il n'y aurait pas d'incidents.

Ratko Mladic lui-même, par l'intermédiaire de son avocat, Me Milos Saljic, a lancé un appel au calme, demandant à ses sympathisants d'éviter tout «bain de sang» ou «émeutes».

Il n'en reste pas moins que le rassemblement présente des risques de débordements, tout le monde se souvenant à Belgrade des violences qui avaient éclaté le 29 juillet 2008, au soir du transfert vers la Haye de Radovan Karadzic, l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie.

Des centaines de jeunes gens avaient affronté les forces de l'ordre, se livrant à différentes déprédations à l'issue d'une manifestation qui avait rassemblé environ 15 000 personnes selon la police. Un manifestant avait été tué.

Un responsable de la police à Belgrade, Dusan Puaca, a indiqué que toutes les mesures avaient été prises, précisant à la radio B92 que le Parti radical avait affrété deux cents cars dans tout le pays pour emmener les manifestants à Belgrade.

Les ultra-nationalistes, «pas nombreux, mais agressifs»

L'universitaire serbe Dusan Pavlovic, de la Faculté des Sciences politiques, relevait sur B92 que des violences étaient à craindre essentiellement de la part de groupuscules de la mouvance ultra-nationaliste, «pas nombreux, mais agressifs». Ces groupuscules sont composés pour la plupart de très jeunes gens, issus souvent des clubs de partisans d'équipes de football et qui font parler d'eux régulièrement en Serbie en recourant à la violence et à la casse.

Cela avait été encore le cas à l'occasion de la Gay pride organisée à Belgrade en octobre dernier.

Mais «il n'y a plus de grands partis politiques» en Serbie pour soutenir ces groupuscules, ajoutait M. Pavlovic.

Car il est vrai que la situation politique a beaucoup changé en trois ans dans ce pays, le Parti radical étant devenu une formation marginale depuis le schisme survenu à l'automne de 2008, avec la formation du Parti serbe du Progrès (SNS), de Tomislav Nikolic, qui a réussi à attirer la majorité des radicaux.

Tomislav Nikolic s'est employé à faire du SNS un parti pro-européen et qui veut inscrire son action politique dans un jeu politique plus traditionnel, loin des outrances verbales du Parti radical.

Une manifestation est aussi prévue dimanche en Bosnie, dans le village natal de Ratko Mladic.