L'Espagne, envahie par une rébellion sociale inédite contre le chômage et la crise économique, votait dimanche pour des élections locales qui s'annoncent comme une débâcle pour les socialistes au pouvoir.

À Madrid, la foule des manifestants restait mobilisée sur la place de la Puerta del Sol, où le village de bâches bleues et de tentes des jeunes «indignés» est devenu le coeur de la contestation.

Dans la nuit, des dizaines de milliers de personnes avaient de nouveau manifesté dans toutes les villes du pays.

Cette fronde soudaine a été l'invitée-surprise de la campagne électorale, au moment où les socialistes s'apprêtent, selon les sondages, à affronter une sévère défaite aux élections régionales et municipales, face à leurs adversaires conservateurs du Parti populaire (PP).

Le mouvement a surgi depuis le 15 mai via les réseaux sociaux, pour très rapidement s'amplifier, gagner tout le pays et se structurer. Dimanche, ses organisateurs devaient décider de la suite à lui donner.

Spontané, coloré, pacifique, laboratoire d'idées pour des réformes à venir, ce mouvement citoyen, qui se veut apolitique, dénonce l'injustice sociale, les dérives du capitalisme, la «corruption des politiciens».

Si les revendications sont des plus diverses, le chômage, avec un taux record de 21,19% et près de la moitié des moins de 25 ans, revient sur toutes les lèvres.

Et aussi la défiance envers les grands partis politiques, les socialistes et le Parti populaire, qui pourrait alimenter dimanche le vote blanc, l'abstention tant redoutée par la classe politique ou le vote pour de petits partis.

Le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, a affirmé après avoir voté à Madrid qu'une «large participation est sans aucun doute le meilleur résultat pour cette journée électorale».

Son adversaire Mariano Rajoy, chef du PP, a lui aussi rappelé que «la démocratie, c'est le vote».

Mais les jeunes n'y croient pas. «Bien sûr, bien sûr, qu'ils ne nous représentent pas», est l'un des slogans favoris, répété à l'infini chaque nuit sur la Puerta del Sol.

«Bien sûr je vais voter, mais pour un petit parti», confiait dimanche Ana Rodriguez, une jeune ingénieure au chômage de 29 ans, qui venait de passer deux nuits avec les manifestants. «Il faut un changement dans le système politique, pour que les petits partis soient mieux représentés».

Le défi est double pour le gouvernement, puisque les rassemblements se poursuivent en dépit de la trêve qui interdit toute activité politique à la veille et le jour des élections.

Sous la pression de la rue, face à des foules réunissant des citoyens de tous horizons, le gouvernement a dû renoncer à faire évacuer les manifestants.

À dix mois des législatives de mars 2012, le pouvoir socialiste était déjà en très mauvaise posture pour sa politique d'austérité contre la crise.

Dans ce contexte troublé, toutes les communes d'Espagne élisent leurs conseils municipaux et 13 des 17 régions autonomes leurs Parlements. La Catalogne, le Pays Basque, la Galice et l'Andalousie votent à d'autres dates.

34,6 millions d'électeurs sont appelés à élire 8.116 maires, plus de 68.400 conseillers municipaux et 824 députés régionaux.

L'annonce le 2 avril par M. Zapatero qu'il ne se présenterait pas pour un troisième mandat en 2012 semble être restée sans effet sur la chute de popularité des socialistes.

À partir de lundi, ils pourraient ne plus contrôler qu'une seule des 17 régions espagnoles, l'Andalousie, et devraient perdre des fiefs historiques comme la Castille-la Manche et l'Estrémadure, ainsi que les grandes villes de Barcelone et Valence.

Les bureaux de vote doivent fermer à 20h00 (14h00 de Montréal). Les premiers résultats partiels sont attendus à partir de 16h00, heure de Montréal.