Troc, repas collectifs et bénévolat: les Grecs s'organisent et découvrent des modes d'actions pour se débrouiller sans l'aide de l'État et résister à la récession, qui pèse pour la troisième année consécutive.

Dans un pays plutôt individualiste, où la société civile et le monde associatif citadin étaient jusqu'à présent anémiques, la crise a fait émerger un besoin de solidarité et des structures anticonsuméristes qui se veulent «une réponse» à l'austérité, soulignent des experts.

À commencer, par «Skoros» (mite, en français), un magasin qui vient d'ouvrir dans le quartier bohème d'Exarchia, en plein centre d'Athènes. Ici, on peut se débarrasser de ce qui n'est plus utile, ou récupérer gratuitement vêtements, outils et meubles.

Abrité depuis 2008 dans un magasin de commerce équitable, Skoros a dû déménager ces derniers mois, vu l'augmentation de sa «clientèle».

Pour Lilli Ahriani, économiste qui travaillait avant la crise dans le secteur financier et milite aujourd'hui pour des initiatives «alternatives», «les gens cherchent des solutions pour dépenser moins d'argent tout en conservant une certaine qualité de vie».

«Il y a un changement de mentalité, qui est peut-être le produit d'un besoin plus profond», ajoute-t-elle.

Sur la place d'Exarchia, un comité d'habitants a aménagé un espace vert pour les enfants. Des repas collectifs y sont organisés, tandis qu'un tennis de table a été installé en plein air afin d'écarter les toxicomanes qui auparavant envahissaient les lieux.

«Les gens s'inquiètent, et déçus du modèle social suivi jusqu'ici, cherchent un nouveau credo», relève Léonidas Nikolaou, agronome et membre de la «Collective Bruche», une association de petits producteurs et artisans qui viennent de tenir leur premier festival à Kypseli, tout près d'Athènes.

La Grèce, sauvée l'an dernier de la faillite par la zone euro et le Fonds Monétaire International (FMI), a dû prendre des mesures d'austérité pour assainir ses finances publiques.

Pour Vassilis Karapostolis, enseignant en communication à l'Université Panteion d'Athènes, «les citoyens, surtout les jeunes, jusqu'ici très réticents à des actions collectives, commencent à se mobiliser, à s'interroger et à chercher des réponses aux difficultés de la vie quotidienne».

Même si la famille «continue d'être le modèle dominant» de la société grecque, comme dans la plupart des pays d'Europe du sud, «les liens ne sont plus si forts, et les jeunes sont à la recherche d'un espace public pour se retrouver et parler de leurs problèmes», explique M. Karapostolis.

Un récent graffiti sur les murs d'Athènes, incitant à «Reconquérir les espaces libres», «en est la preuve», dit-il, en ajoutant que «quand la difficulté atteint des limites, les gens se sentent obligés d'agir».

Certains Athéniens, «fatigués de se plaindre ou de toujours attendre des autres et en particulier de l'État», menacé de faillite, décident de prendre les choses en main, à l'initiative du très populaire groupe Atenistas, créé sur Internet. Désireux de «faire quelque chose pour la ville», ces bénévoles plantent des arbres ou nettoient des lieux publics.

Anna Alamanou, porte-parole de Klimaka, une association d'aide aux sans-abris, a vu la participation des bénévoles s'accroître ces derniers mois. «La crise a en partie sensibilisé les gens», dit-elle, en estimant le nombre de sans-abris à environ 20.000 en Grèce, un chiffre qui reste très inférieur à celui des autres pays européens.

Certains vieux militants hésitent néanmoins à croire à un changement en profondeur de la société.

«Ceux qui s'intéressaient avant la crise à des solutions alternatives continuent de le faire, il n'y a pas vraiment de nouveaux adeptes. C'est difficile pour les gens de changer leur mode de vie», estime Giorgos P., militant du commerce équitable.