L'évacuation en masse de Lampedusa d'immigrés amorcée mercredi ne fait que déplacer le problème vers d'autres régions d'Italie, réticentes à accueillir les migrants qui affluent de Tunisie et les réfugiés africains fuyant la Libye.

Lors d'un passage éclair mercredi sur l'île, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi s'est engagé à faire évacuer d'ici vendredi de Lampedusa les 6 000 migrants venus de Tunisie qui s'y entassaient dans des conditions d'hygiène dégradantes.

Il en restait environ 3 800 jeudi après le départ de deux transbordeurs.

Pour mettre en oeuvre son plan, son gouvernement a décidé le doublement des capacités d'accueil du campement de Manduria dans les Pouilles (de 1 500 à 3 000 places).

Autres zones concernées, toujours dans le sud: la Sicile avec Trapani (800 places) et Caltanissetta (500), la Basilicate avec Potenza (500).

Seule région du centre ou nord de l'Italie mise à contribution: la Toscane avec Pise (500 places), région tenue historiquement par l'opposition de gauche.

Le premier bateau, parti jeudi de Lampedusa, doit conduire 1 400 immigrés dans les Pouilles, le talon de la botte italienne, à Manduria près de Tarente.

Cette annonce faite par M. Berlusconi a provoqué la démission de deux membres de son parti: le secrétaire d'État à l'Intérieur Alfredo Mantovano, originaire des Pouilles, et le maire de Manduria Paolo Tommasino, ulcérés, le gouvernement ayant promis que la barre des 1 500 immigrés ne serait pas franchie.

«Je ne peux pas accepter une chose de ce genre, je voulais défendre la population de ma ville, mais cela n'a pas été possible», a déploré le maire.

Levée de boucliers aussi en Toscane: à Coltano, près de Pise, une centaine de personnes ont bloqué jeudi matin l'accès d'une ex-base américaine où doivent arriver 500 migrants de Lampedusa.

Le maire Marco Filippeschi et le président de la région Enrico Rossi ont dénoncé une décision imposée par Rome et les conditions d'hébergement: «notre idée était de distribuer ces personnes sur plusieurs départements (..) pas de les enfermer dans un gros centre fait de tentes et fils barbelés», a expliqué M. Rossi.

Silvio Berlusconi a assuré que les immigrés iraient dans «toute l'Italie». Mais son ministre de l'Intérieur Roberto Maroni, membre du parti populiste Ligue du nord, a surtout prévu des campements dans le sud.

Un choix critiqué à demi-mot par le peu disert président de la République, Giorgio Napolitano, qui a appelé les régions à plus de «cohésion» et de «solidarité».

Ses propos ont été interprétés comme visant le Nord contrôlé par la Ligue, parti au discours volontiers antiimmigré.

Le soutien de la Ligue est indispensable à M. Berlusconi, souvent accusé par ses adversaires, d'être devenu l'otage des idées et des ministres de ce parti.

Même si M. Berlusconi a dit aux Lampedusains avoir obtenu des autorités tunisiennes qu'elles fassent cesser les départs d'immigrés, les débarquements se sont poursuivis mercredi à Lampedusa avec 500 migrants arrivés surtout de Tunisie, mais aussi des réfugiés africains partis de Libye.

Depuis la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali à la mi-janvier, plus de 18.000 Tunisiens ont débarqué à Lampedusa, contre 4.000 migrants en 2010.

Le ministre des Affaires étrangères Franco Frattini a estimé jeudi que les migrants devaient «être rapatriés en Tunisie ou répartis dans d'autres pays européens», suscitant les foudres d'Amnesty International.

L'Italie «doit respecter ses obligations internationales en matière de droits de l'Homme» et «ne pas procéder à des expulsions collectives ou des rapatriements sommaires», a dénoncé Anneliese Baldaccini, une responsable de l'ONG présente à Lampedusa.