Trois mois après son arrivée au ministère des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, dont plusieurs maladresses ont entaché la crédibilité, devrait être limogée de ses fonctions «dimanche ou lundi», ont indiqué vendredi à l'AFP deux ministres sous couvert d'anonymat.

«Le départ de Michèle Alliot-Marie aura lieu ce week-end ou lundi. Elle devrait être remplacée par Alain Juppé», ministre de la Défense, a affirmé un de ces deux ministres, en expliquant que la situation était devenue «intenable» pour le gouvernement et le président Nicolas Sarkozy.

«La séquence de la présidence française du G20 est importante et en tant que ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie sera très en vue, au côté du chef de l'Etat. Or, à son poste, l'action ne permet pas d'effacer l'image», a ajouté ce membre du gouvernement.

Un autre ministre a mis l'accent sur la chute de l'exécutif dans des sondages récents en France. «Michèle Alliot-Marie a dévissé et entraîne tout le monde. Il faut stopper ça», a-t-il dit.

Interrogé en Turquie, Nicolas Sarkozy s'est refusé à tout commentaire.

Plusieurs sources gouvernementales ont déclaré vendredi soir à l'AFP que M. Sarkozy réfléchissait à un remaniement plus large que le simple départ de sa chef de la diplomatie. Serait notamment évoquée l'hypothèse d'une nomination de Claude Guéant, secrétaire général de la présidence, à la tête du ministère de l'Intérieur.

Vendredi matin, la chef de la diplomatie a encore balayé toute idée de départ. «Ma devise, c'est bien faire et laisser dire», a-t-elle lancé à la radio France Info avant de s'envoler pour deux jours de visite au Koweït. Elle a aussi assuré qu'elle serait lundi à Genève pour une réunion de l'ONU et y rencontrer son homologue américaine, Hillary Clinton.

Il y a peu, Michèle Alliot-Marie, 64 ans, ministre depuis 2002 (Intérieur, Défense, Justice avant le Quai d'Orsay) s'était targuée d'avoir «le cuir épais» face aux multiples critiques concernant ses vacances fin 2010 dans une Tunisie alors en révolte, son offre d'une coopération policière au régime Ben Ali, et des explications floues sur ses relations avec un homme d'affaires tunisien.

Depuis plus d'un mois, courbant l'échine sans rompre, elle a rejeté tous les appels à sa démission, formulés par l'opposition socialiste, rejoints depuis une semaine par des membres du parti présidentiel UMP.

Le remaniement annoncé surviendra alors que la politique extérieure de Nicolas Sarkozy, notamment à l'égard du monde arabe, est vivement critiquée en France. «Une politique étrangère incohérente portée par une ministre inaudible ne peut pas donner de résultat», a estimé vendredi l'ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius.

Si «aucune action illégale» ne peut être reprochée à la ministre, comme elle l'a rappelé encore vendredi, sa crédibilité au Quai d'Orsay qu'elle dirige depuis la mi-novembre, est sérieusement érodée. Le premier voyage ministériel dans la Tunisie de l'après Ben Ali s'est fait sans elle, avec les ministres de l'Economie Christine Lagarde et des Affaires européennes Laurent Wauquiez.

Michèle Alliot-Marie a concentré les critiques visant des errements de la France face aux révolutions qui ont déposé plusieurs présidents «amis» de Paris, le Tunisien Zine El Abidine Ben Ali ou l'Egyptien Hosni Moubarak.

Face à la répression sanglante en Libye, la diplomatie française tente aujourd'hui de regagner en consistance, en brandissant à l'ONU la menace de la Cour pénale internationale (CPI) pour faire juger Mouammar Kadhafi.

La chef de la diplomatie a aussi été atteinte par des attaques contre son compagnon, Patrick Ollier, avec qui elle forme un couple à la ville comme au gouvernement. Ministre des Relations avec le Parlement, ce dernier qui a accompagné Michèle Alliot-Marie en Tunisie lors de ses vacances controversées, est aussi au coeur des critiques en raison des relations proches qu'il a développées avec le dirigeant libyen au sein de groupes d'amitiés parlementaires.