Déjà fragilisée par une controverse sur ses vacances en Tunisie, la ministre française des Affaires étrangères est appelée à la démission par l'opposition après de nouvelles révélations sur un coup de fil à Ben Ali en pleine révolution et une transaction entre ses parents et un grand patron tunisien.

L'opposition de gauche a promptement réclamé la démission de Michèle Alliot-Marie, dénonçant désormais une succession de «mensonges» et une «confusion des genres» nuisibles pour l'image de l'État français.

Mais le porte-parole du gouvernement François Baroin a réaffirmé mercredi, à l'issue du conseil des ministres, que Michèle Alliot-Marie avait «tout le soutien de l'équipe gouvernementale».

L'hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné, à l'origine des premières révélations sur les vacances de la ministre en Tunisie, était revenu à la charge mardi: Bernard Marie et son épouse, 94 et 92 ans, que Mme Alliot-Marie accompagnait dans un voyage fin décembre, ont racheté les parts de leur ami tunisien Aziz Miled et de son fils Karim dans une société civile immobilière (SCI), Ikram.

La transaction a eu lieu le 30 décembre à Tabarka, cité balnéaire du nord-ouest de la Tunisie que la famille Alliot-Marie avait rejoint grâce au jet privé de M. Miled, «vieil ami» de la famille rencontré de manière «fortuite» à l'aéroport de Tunis selon les premières déclarations de la ministre et de son entourage.

Michèle Alliot-Marie s'est défendue en assurant ne pas interférer dans les décisions de ses parents: «Les acquisitions qu'ils effectuent pour eux-mêmes ne concernent qu'eux».

Une ligne de défense soutenue par Bernard Marie, qui a dédouané sa fille, en affirmant avoir négocié depuis longtemps sur ce contrat avec cet ami de la famille et avoir en outre organisé le voyage et payé les notes d'hôtel.

Mais mercredi matin, le site d'informations Mediapart révélait que Mme Alliot-Marie avait téléphoné pendant cette période au président Ben Ali, alors qu'elle assurait encore début février n'avoir eu «aucun contact privilégié» avec l'ex-homme fort de Tunis.

«Un bref entretien, comme elle en a quotidiennement avec beaucoup de chefs d'État et de ministres», a réagi son cabinet.

Le patron des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, a jugé mercredi que «MAM» n'avait «cessé de mentir aux Français», appelant la chef de la diplomatie et son mari Patrick Ollier, ministre des relations avec le Parlement, à la démission.

Dans un éditorial cinglant, le journal Le Monde demande «jusqu'où faudra-t-il descendre dans la trivialité et l'indignité», dans «le conflit d'intérêt» pour que le chef de l'État «en tire la conclusion logique».

Le journal relève plusieurs «contre-vérités»: selon le quotidien, la rencontre «fortuite» selon la ministre avec Aziz Miled s'incrivait en fait dans un voyage d'affaires, et le grand patron tunisien n'était pas «une victime» des Ben Ali mais un partenaire dans plusieurs affaires.

À droite, la ministre est officiellement appelée à «s'expliquer» tout en recevant le soutien de plusieurs ténors de la majorité, mais en coulisse, plusieurs élus et proches du président Nicolas Sarkozy jugent sa position de plus en plus intenable.

Réagissant sur le contrat signé par le couple Marie, le ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a défendu la ministre, jugeant ses déclarations «très claires» et demandant quand «on va arrêter de faire tourner la fosse à purin de la République».

De son côté, le député de droite Jean-Christophe Lagarde relève dans le quotidien Le Parisien: «on n'est certes pas responsable de ce que font ses parents mais c'est un mélange des genres qui ne devrait pas exister».