Le Rubygate a connu un nouveau rebondissement, mardi. Une juge milanaise a en effet ordonné la comparution immédiate de Silvio Berlusconi pour abus de pouvoir et relations sexuelles avec une prostituée mineure. Le procès du président du Conseil italien, âgé de 74 ans, devrait s'ouvrir le 6 avril devant trois juges. Les relations que Berlusconi a entretenues avec la jeune fille marocaine, surnommée Ruby, pourront-elles le faire tomber ? Rien n'est moins sûr.

Q. De quoi Silvio Berlusconi est-il accusé?

R. Il est accusé d'avoir eu recours aux services d'une prostituée mineure entre les mois de février et mai 2010, un délit punissable de trois ans de prison. La jeune danseuse, Karima el Mahroug de son vrai nom, nie avoir eu des relations sexuelles avec le Cavaliere, mais elle a admis avoir reçu plusieurs milliers de dollars pour passer une soirée à connotation sexuelle avec d'autres jeunes femmes dans sa villa. Berlusconi est également accusé d'avoir exercé des pressions sur les policiers milanais pour qu'ils relâchent la jeune fille, arrêtée en mai 2010 pour vol, un délit punissable de 12 ans de réclusion.

Q. Quels sont les recours que peut utiliser Berlusconi?

R. Les recours juridiques et parlementaires sont nombreux. Une source proche du dossier a ainsi confié à l'AFP que les avocats de M. Berlusconi mettront en doute la compétence du tribunal de Milan pour juger d'un abus de fonction. Si l'argument ne convainc pas les juges de Milan, la Chambre des députés, où M. Berlusconi bénéficie d'une majorité renforcée, pourra soulever la question. Ce sera ensuite à la Cour constitutionnelle de trancher la question, ce qui suspendrait le procès. «De la part des amis de Berlusconi, on peut s'attendre à n'importe quelle réaction. Il y a beaucoup d'escamotages possibles, il faut voir s'il va trouver des solutions constitutionnellement valables. Mais la conclusion de cette situation politique dépend aussi des réactions à l'étranger et au Vatican, qui a une position extrêmement ambiguë sur ce dossier», croit Alfio Mastropaolo, professeur de sciences politiques à l'université de Turin.

Q. Berlusconi va-t-il démissionner?

R. Si rien n'empêche le chef du gouvernement de quitter ses fonctions, ce scénario reste très improbable, selon M. Mastropaolo. «Il n'a aucune intention de démissionner», répond-il, catégorique. Magnat des médias, Berlusconi aurait beaucoup à perdre s'il ne dirigeait plus le gouvernement: «Il sait que, s'il sort de la scène politique dans cette situation, il pourrait y avoir une loi qui ne soit pas favorable à ses entreprises. Dans aucun autre pays occidental les chaînes privées ne bénéficient d'autant d'avantages qu'en Italie.»

Q. Quel est l'impact du Rubygate sur la vie politique italienne?

R. Ce n'est pas la première fois que Berlusconi, en poste depuis 2008, mais qui a passé huit ans en tout à la tête du gouvernement, se trouve au coeur d'un scandale sexuel ni qu'il a des démêlés avec la justice. «Il a toujours su adapter la loi à ses besoins, mais cette fois, c'est vraiment trop: on se demande comment un pays catholique peut accepter qu'un chef de gouvernement paie des mineures et qu'il nomme ses maîtresses députées ou ministres», dit M. Mastropaolo. Toutefois, l'opposition italienne peine à proposer une solution de rechange à Berlusconi, et ce dernier, en dépit des scandales, reste apprécié par une frange importante des électeurs.

Q. Le Rubygate a-t-il un impact sur les moeurs des Italiens?

R. Les frasques de Berlusconi vont marquer durablement les esprits, croit M. Mastropaolo. «La société italienne est ravagée par un spectacle d'immoralité quotidienne», dit-il. C'est aussi l'avis de Loredana Oliva, journaliste spécialiste de l'éducation à Il Sole 24 Ore. «Il y a une culture du raccourci dans la vie politique et le monde du spectacle. On préfère avoir des privilèges plutôt que de travailler dur. Le pire dans le Rubygate, c'est la façon dont la femme est représentée. C'est le plus grave», croit-elle.