Le Premier ministre britannique David Cameron s'est lancé dans une campagne pour sauver son projet phare de «Big Society», censé «réparer la société britannique,» mais qui est en train de couler en raison des coupes budgétaires imposées par son propre gouvernement.

Lundi, pour la seconde fois en deux jours, M. Cameron est publiquement intervenu pour défendre ce projet, auquel il dit vouer une «véritable passion» et qu'il considère même comme une «mission».

Le concept, assez vague selon ses détracteurs, prône le transfert d'un maximum de compétences de l'État vers la société civile et les communautés locales, appelées à prendre leur destin directement en main grâce à une armée d'organisations caritatives et de volontaires prêts à prendre le relais.

Mais la «Big Society» perd ses soutiens au fur et à mesure de la mise en oeuvre du plan de rigueur sans précédent de la coalition conservatrice-libérale démocrate au pouvoir depuis mai, qui sabre en particulier dans le budget des collectivités locales (-27% en quatre ans).

Certaines annonces, comme la fermeture prochaine de près de 400 bibliothèques municipales à travers le pays, ont eu un effet dévastateur sur l'opinion.

«La Big Society n'est pas une manière de masquer les coupes budgétaires», s'est défendu lundi M. Cameron devant des responsables d'associations, en répondant à une critique devenue récurrente.

«La principale tâche de ce gouvernement est de venir à bout du déficit. Mais ma mission est de réparer une société dont des pans entiers sont cassés», a-t-il poursuivi avec une ferveur particulière.

Il a mis en avant la création prochaine d'une «Big Society Bank» dotée de 200 millions de livres apportées par les grandes banques du pays, sous pression du gouvernement, pour aider des projets locaux.

«Il s'agit de changer la façon dont notre pays est dirigé. C'est pourquoi la Big Society est là pour durer», avait assuré la veille M. Cameron dans un entretien à l'Observer.

Ses interventions n'ont à ce jour pas réussi à convaincre ses traditionnels opposants.

«La Coalition de la Résistance», qui regroupe syndicats et ONG hostiles à sa politique, a dénoncé un «écran de fumée destiné à masquer la réalité, c'est-à-dire le démantèlement de l'État providence».

Mais la croisade du Premier ministre s'adresse avant tout à ses partisans ou ex-partisans, de plus en plus nombreux à quitter le navire de la «Big Society».

Directrice d'une des principales organisations de volontaires du pays, la CSV, Elizabeth Hoodless était un pilier du projet cher au Premier ministre. Jusqu'à la semaine dernière, lorsqu'elle a jugé que les coupes budgétaires étaient «en train de détruire le volontariat» en privant de financement les organisations caritatives.

«Vous pouvez difficilement construire une «grande société» si les volontaires, qui sont au coeur de ce projet, ne sont plus en mesure d'accomplir leur tâche», a renchéri le responsable d'une autre grande ONG, Sir Stephen Bubb.

La municipalité travailliste de Liverpool, une des villes-pilote choisies pour mettre en oeuvre la Big Society, vient quant à elle de se désengager en assurant qu'elle n'était plus en mesure de financer le réseau associatif.

Le Financial Times, traditionnellement proche des conservateurs, a lancé ce week-end une mise en garde : «Dans la Grande-Bretagne de la rigueur, une révolution tranquille se prépare. Pas de violentes manifestations comme en Grèce ou des défilés massifs comme en France, mais quelque chose de tout aussi inquiétant pour M. Cameron».