Le président français Nicolas Sarkozy a décidé mercredi de priver ses ministres de vacances à l'étranger, pour tenter de calmer une violente polémique sur un séjour de son Premier ministre en Égypte, aux frais de Hosni Moubarak.

«Spectacle navrant», «image écornée», «autorité de l'État mise à mal»: la gauche se déchaînait après la mise en cause de François Fillon, l'austère Premier ministre présenté par la droite comme l'image de l'intégrité, dans ce qui est en train de devenir un scandale de morale publique.

Au point que le chef de l'État, à la veille de s'adresser aux Français jeudi à la télévision, a déjà rappelé à l'ordre ses ministres réunis en conseil en leur demandant de «privilégier» la France pour leurs vacances et d'obtenir une autorisation spéciale au plus haut niveau pour tout séjour à l'étranger.

«Les exigences contemporaines en matière de morale publique se sont considérablement renforcées ces dernières années (...). Les attentes des citoyens sont plus vives que par le passé et elles sont légitimes», a expliqué Nicolas Sarkozy à ses ministres.

La nouvelle, révélée mardi par l'hebdomadaire Le Canard Enchaîné, a fait l'effet d'une bombe: François Fillon et sa famille ont passé leurs vacances de fin d'années aux frais de l'autoritaire président égyptien Hosni Moubarak, dont des centaines de milliers de personnes réclament jour après jour le départ.

Il a lui-même reconnu avoir été «invité» par le régime égyptien et avoir profité sur place de l'hébergement, d'un avion pour un trajet Assouan-Abou Simbel et d'un bateau pour une sortie sur le Nil.

Avant lui, sa ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, avait déjà été violemment critiquée pour avoir utilisé à deux reprises, pendant ses vacances de Noël, l'avion privé d'un riche Tunisien proche de Zine El Abidine Ben Ali, qu'une révolution a depuis poussé au départ.

Rien d'illégal dans tout cela. Mais une accumulation qui choque après d'autres scandales de conflit d'intérêt ou d'usage abusif des deniers publics ayant touché ces derniers mois des ministres du président qui avait promis lors de sa campagne en 2007 une «République irréprochable».

L'opposition s'insurge que des ministres puissent ne pas payer les dépenses d'activités privées en dénonçant une «confusion des genres». Et critique la «proximité» de gouvernants français avec des dirigeants qualifiés de «dictateurs» par les organisations de défense des droits de l'homme.

«Aujourd'hui, le délitement de l'esprit public est au sommet de l'État», a estimé le chef de file des députés socialistes Jean-Marc Ayrault. L'image de la France est «singulièrement écornée», a déclaré le chef centriste François Bayrou.

«J'ai respecté strictement toutes les règles qui s'attachent aux déplacements privés à l'étranger du Premier ministre et du président de la République, qui répondent à des contraintes de sécurité et des contraintes diplomatiques», a répondu François Fillon devant l'Assemblée nationale, recevant une standing ovation des députés de droite.

Nicolas Sarkozy, considérablement affaibli dans les sondages, doit intervenir jeudi soir dans une émission de télévision, où il doit être directement interrogé par des Français. Il a reconnu mercredi devant ses ministres qu'il fallait renforcer la confiance des Français dans leurs dirigeants.

Le président est pour l'instant, à titre personnel, épargné par ces polémiques sur les voyages.

Les médias français ont cependant relevé qu'il avait effectué le week-end dernier un déplacement privé à New York dans un jet de la République, bien qu'il ait payé le prix du trajet selon un barème mis au point par la Cour des comptes.

Il n'a pas eu non plus à s'expliquer sur les conditions dans lesquelles il a passé la fin de l'année dans une résidence royale marocaine, à Marrakech.