C'était un jour ordinaire dans le hall d'arrivée de Domodedovo, le principal et plus moderne aéroport de Moscou. Devant les carrousels, les passagers attendaient leurs bagages. Un peu plus loin, derrière une grande baie vitrée, parents, amis et chauffeurs guettaient les voyageurs. Et tout d'un coup, au milieu de cette foule anonyme du hall, une bombe a explosé. Comme pour le double attentat dans le métro en mars dernier, les autorités privilégieraient la piste d'un kamikaze venu du Caucase.

Il était 16h32. Attentat suicide ou bombe dissimulée dans des bagages, l'explosion a dévasté le hall d'arrivée de l'aéroport de Domodedovo. Au moins 35 personnes sont mortes et 160 ont été blessées dont 20 sont dans un état grave. Des chiffres encore provisoires du nouvel attentat qui endeuille la Russie, 10 mois après la double attaque dans le métro de Moscou qui avait fait 40 morts.

À la télévision, à la radio, mais surtout sur le web, se sont multipliés les récits sur le carnage. Passée en boucle, une vidéo montre les premières scènes: corps déchiquetés et bagages dispersés au milieu d'une épaisse fumée. Les secours s'activent: brancards et chariots servent indifféremment aux transports des blessés, des médicaments, des valises. Les témoins racontent. L'explosion, avec une bombe pesant entre 5 et 10 kilogrammes de TNT, selon les versions. Le toit qui aurait tremblé dans cet aéroport flambant neuf. Les corps gisants. Le sang des organes des victimes projetés dans la salle d'attente. Sur la messagerie instantanée Twitter, par le truchement de son iPhone, un témoin assure rapidement que la bombe était cachée chez un individu perdu dans la foule, debout près d'un café.

Étonnement, images et récits décrivent pourtant un aéroport sous le choc, mais sans panique apparente. Parmi les témoins, certains croient avoir identifié la tête du kamikaze parmi les corps au sol. Une source policière citée par les agences russes précise même qu'il s'agissait d'un homme «de type arabe».

D'autres affirment au contraire que la bombe devait être placée dans un bagage. Une similaire source policière aurait par ailleurs confié que les services spéciaux du pays avaient été informés de l'imminence d'un attentat dans un aéroport de Moscou. Ils auraient même été sur la piste de trois suspects dont ils auraient perdu la trace juste avant l'attaque d'hier» »: les trois hommes auraient réussi à entrer à Domodedovo pour observer l'explosion déclenchée par un complice avant de quitter les lieux.

En dehors de l'aéroport, seuls quelques taxis ont depuis profité du chaos» »: le prix de la course pour le centre de Moscou est passé à 20 000 roubles, 10 fois le tarif normal. Pareille inflation avait déjà provoqué un vif tollé dans l'opinion lors des deux attentats dans le métro en mars dernier.

Président ému

Moins de deux heures après les faits, le chef du Kremlin Dmitri Medvedev a quant à lui réagi pendant une réunion. Alors qu'au milieu des vives condamnations internationales, l'Union européenne s'est déclarée «scandalisée» par l'attentat, le président russe s'est montré sombre et visiblement ému. Le comité d'enquête national a ouvert un dossier pour «acte de terrorisme» et des sources policières ont confirmé la version d'une attaque suicide.

Dmitri Medvedev, lui, s'en est tenu aux habituelles paroles exigeant une enquête prompte. Mais il a aussi fait annoncer le report de son départ pour le forum économique de Davos, en Suisse. Et le président a ordonné la mise en place d'un «régime de sécurité spéciale» dans les gares et aéroports dans tout le pays. Rapidement, les policiers, par dizaines, se sont ainsi postés à l'entrée des stations de métro de Moscou. Comme après le double attentat l'an passé.

Puis, toujours devant les caméras, Dmitri Medvedev a fait cet aveu: «Ce qui s'est passé montre que les lois censées être mises en oeuvre sont loin de fonctionner correctement.»

Une manière indirecte de reconnaître l'échec des politiques pour résoudre le problème dans le Caucase russe. Car même si les autorités n'ont pour l'instant évoqué aucune piste officiellement, ce type d'attentats a toujours été revendiqué au cours des dernières années par les rebelles islamistes de cette région.