Plus de 30 000 Belges ont participé dimanche à Bruxelles à une marche de la «honte» inédite pour dénoncer la crise politique d'une durée record qui menace l'unité du pays, du fait des divergences entre Flamands et francophones, et demander la formation d'un gouvernement.

C'est la première fois depuis les élections législatives belges du 13 juin 2010 que des citoyens ordinaires expriment massivement leur exaspération. Ils répondaient à l'appel de cinq étudiants «politiquement neutres», largement popularisé via internet.

«Qu'est qu'on veut? On veut un gouvernement», scandaient les protestataires, jeunes souvent, et habillés pour certains de combinaisons blanches, au 224e jour de la crise politique qui prive le pays de véritable gouvernement, un record d'Europe déjà.

Une manière pour cette marche de la «honte» de rappeler la célèbre «Marche blanche» belge ayant rassemblé 300 000 personnes en 1996 pour protester contre les crimes du meurtrier pédophile Marc Dutroux.

Nombre de manifestants arboraient aussi une affichette avec le slogan «Se diviser? pas en notre nom!», mot d'ordre d'une réunion d'artistes et intellectuels organisée à Bruxelles vendredi soir.

Les participants, Flamands et francophones mêlés, ont dénoncé la ligne nationaliste défendue par le parti indépendantiste sorti vainqueur des législatives, la Nouvelle Alliance flamande (N-VA), qui contribue à l'actuel blocage politique.

Sur le ton de l'humour, le francophone Philippe Geluck, célèbre dessinateur du «Chat», a appelé à une «révolution des moules et des frites» sur le modèle de la «révolution de jasmin» tunisienne.

Autre slogan à succès, «Une barbe pour la Belgique», s'affichait sur des autocollants arborés dimanche par certains des 31 000 manifestants répertoriés par la police, suite à un appel de l'acteur belge Benoît Poelvoorde à ne plus se raser jusqu'à ce que la crise soit dénouée.

De nombreux Flamands s'étaient joints aux francophones dimanche pour la manifestation, point d'orgue d'un appel à la mobilisation citoyenne.

Les Flamands (60% des quelque 11 millions de Belges) réclament une autonomie renforcée pour leur région, notamment dans le domaine fiscal et social.

Les francophones de Wallonie et Bruxelles veulent limiter cette décentralisation de crainte de perdre les transferts financiers de la Flandre et parce qu'ils y voient le début de l'éclatement du pays créé en 1830.