L'ex-magnat russe du pétrole Mikhaïl Khodorkovski et son associé Platon Lebedev resteront en prison jusqu'en 2017 après avoir été condamnés jeudi à 14 ans de prison à l'issue d'un second procès influencé, selon la défense, par l'homme fort du pays, Vladimir Poutine.

Jugé depuis mars 2009 par un tribunal de Moscou, les deux hommes ont été reconnus coupables par un tribunal moscovite du vol de millions de tonnes de pétrole et du blanchiment de 23,5 milliards de dollars, accusations qu'ils contestent vivement.

Ils resteront en prison jusqu'en 2017, le tribunal ayant pris en compte la peine purgée depuis leur incarcération en 2003 dans le cadre d'une première affaire d'évasion fiscale et d'escroquerie, selon le site internet des défenseurs de l'ex-homme le plus riche de Russie, www.khodorkovsky.ru.

Le juge Viktor Danilkine a estimé que les deux hommes devaient être «isolés de la société». Dès lundi, la défense avait indiqué qu'elle ferait appel.

Assis dans une cage en verre, M. Khodorkovski a accueilli avec un sourire l'annonce de la peine, ne s'attendant pas à une relaxe après avoir été déclaré coupable dès le début de la lecture lundi de l'interminable jugement de 800 pages.

«Notre exemple montre qu'en Russie il n'y a pas d'espoir de protection contre les bureaucrates», a réagi M. Khodorkovski, dans un communiqué lu par un de ses avocats à la sortie du tribunal: mais «nous ne nous laissons pas décourager».

La réaction de sa mère a été plus émotionnelle: «Soyez maudits, vous et vos descendants!», a-t-elle hurlé.

L'avocat de la défense, Iouri Schmidt, a estimé que ce jugement était «illégal» et fruit des pressions de M. Poutine qui avait déclaré à la mi-décembre à propos de M. Khodorkovski que «tout voleur (devait) aller en prison».

La défense avait alors dénoncé une «ingérence directe» de M. Poutine qui a déjà comparé M. Khodorkovski au mafieux Al Capone.

L'opposition russe et nombre d'analystes considèrent que les poursuites engagées dans ce procès ont été organisées par le pouvoir russe pour faire taire M. Khodorkovski, un homme d'affaires jugé trop indépendant et manifestant des ambitions politiques. Une élection présidentielle est prévue en 2012.

Les réactions se sont multipliées après l'annonce de la peine. L'Allemagne a jugé que ce procès soulève «de sérieuses questions sur le respect de l'État de droit et représente un pas en arrière sur le chemin de la modernisation en Russie prônée par le président (Dmitri) Medvedev».

À Washington, un porte-parole du département d'État, Mark Toner, a dénoncé l'«utilisation abusive du système judiciaire pour servir des fins impropres» de la part du gouvernement russe qui, a-t-il estimé, «ne peut développer une économie moderne sans développer en même temps une justice indépendante».

La diplomatie française a elle rappelé à Moscou que «la consolidation de l'État de droit est une condition nécessaire à la réussite du processus de modernisation de la Russie».

Le chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, s'est déclaré «déçu» par cette sentence et s'est dit «sérieusement préoccupée par les accusations faisant état d'irrégularité durant ce procès».

Le chef de la diplomatie britannique William Hague a lui demandé à la Russie de «respecter les principes de la justice».

M. Khodorkovski, ex-patron du groupe pétrolier démantelé Ioukos, et M. Lebedev sont en prison depuis 2003. Ils ont déjà été condamnés en 2005 à huit ans de prison pour escroquerie et évasion fiscale.

Les déboires de M. Khodorkovski ont commencé après une rencontre houleuse avec M. Poutine. L'homme d'affaires avait dénoncé la corruption au sommet de l'État, finançait l'opposition et des programmes d'aide à la société civile.

Ancien fleuron de l'industrie pétrolière russe, Ioukos a été démantelé lors du premier procès au profit d'entreprises proches du pouvoir.