Le juge d'un tribunal de Moscou se livre à une course contre la montre dans la lecture de l'interminable jugement de Mikhaïl Khodorkovski pour tenter de clore avant le Nouvel An le procès du prisonnier le plus célèbre de Russie qui risque de nombreuses années supplémentaires de détention.

D'une voix peu audible et sur un ton monocorde, le juge Viktor Danilkine lisait mercredi pour la troisième journée consécutive le jugement de quelque 800 pages dans le deuxième procès de Mikhaïl Khodorkovski, ancien patron du groupe pétrolier démantelé Ioukos, et de son principal associé, Platon Lebedev.

Les deux prévenus ont été reconnus coupables dès le début de l'énoncé du jugement lundi du vol de millions de tonnes de pétrole et du blanchiment de 23,5 milliards de dollars, mais ils ne connaîtront leur peine qu'à la fin du procès.

Cette reconnaissance de culpabilité a déjà été critiquée par les États-Unis et plusieurs pays de l'Union européenne qui ont dénoncé une justice sélective, ce que la Russie a qualifié de prises de position «inacceptables».

Emprisonnés depuis 2003 et condamnés en 2005 à huit ans de prison pour escroquerie à grande échelle et évasion fiscale dans un premier procès, MM. Khodorkovski et Lebedev encourent cette fois 14 ans de camp, requis par l'accusation.

Le résultat du deuxième procès sera un test des intentions libérales du président Dmitri Medvedev, qui s'est affiché en faveur de la modernisation et de la réforme judiciaire du pays, face à son puissant premier ministre, Vladimir Poutine, qui tient les rênes du pouvoir en Russie, selon les experts.

M. Poutine avait déclaré à la mi-décembre à propos de M. Khodorkovski que ses crimes avaient été «prouvés» par la justice» et que «tout voleur (devait) aller en prison».

Le jugement de ce procès politiquement sensible pourrait être annoncé juste avant les festivités du Nouvel An, qui sont suivies en Russie de celles du Noël orthodoxe, célébrées pendant de nombreux jours fériés, du 1er au 10 janvier inclus.

Des sympathisants de M. Khodorkovski ont accusé le tribunal de faire en sorte que le jugement soit prononcé pendant cette période de léthargie où l'attention des Russes est ailleurs et pendant laquelle ne paraît aucun journal.

«Le juge est pressé d'annoncer le jugement avant les congés», titrait mercredi le quotidien des affaires Vedomosti.

«Je serais très étonné que la lecture du jugement se termine aujourd'hui» mercredi, a déclaré de son côté l'un des avocats de la défense, Konstantin Rivkine, lors d'une suspension d'audience, soulignant que 300 des 800 pages du jugement avaient été lues jusqu'ici.

«Il y a encore beaucoup de choses sur lesquelles le tribunal doit se prononcer, notamment les preuves présentées par la défense», a-t-il ajouté.

Pendant que le juge Viktor Danilkine poursuivait la lecture du jugement face à des journalistes qui bâillaient et des policiers qui tapotaient sur leur téléphone portable, MM. Khodorkovski et Lebedev lisaient dans leur cage en verre une revue de presse concernant leur procès.

Ils ont été amusés par certains passages d'articles de journaux, M. Lebedev riant parfois jusqu'aux éclats, donnant un léger petit coup à M. Khodorkovski qui lui aussi souriait.

La défense prépare tous les matins une revue de presse pour ses deux clients, a observé M. Rivkine.

M. Lebedev a aussi échangé de nombreuses notes avec ses avocats.

«On échange des écrits sur le futur recours en cassation», a expliqué M. Rivkine.