Les tribunaux de la Biélorussie ont infligé mardi jusqu'à 15 jours de détention à près de 600 opposants, menaçant de prononcer des peines allant jusqu'à 15 ans de prison et d'interdire des partis, deux jours après la répression des protestations lors de la présidentielle dimanche.

«Les décisions judiciaires ont été prises à l'encontre de plus de 580 personnes qui ont participé à l'action de l'opposition à Minsk. Dans l'ensemble ce sont des peines allant de 5 à 15 jours de prison», a indiqué un haut responsable de la police, le général Farmagueï.

Les personnes arrêtées risquent en outre jusqu'à 15 ans d'emprisonnement si leur participation à des «troubles massifs à l'ordre public» est prouvée, a pour sa part indiqué un porte-parole de la police de Minsk.

Parmi eux figurent au moins quatre journalistes, a précisé de son côté l'Association des journalistes biélorusses.

Vingt-cinq journalistes avaient été interpellés dimanche lors de la manifestation qui a réuni des dizaines de milliers de personnes devant le siège du gouvernement à Minsk et a été violemment réprimée.

La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a appelé mardi les autorités de la Biélorussie à libérer «immédiatement» les opposants arrêtés.

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a également demandé que les journalistes emprisonnés à la Biélorussie soient relâchés «immédiatement».

L'autoritaire président qui dirige depuis 16 ans cette ex-république soviétique, Alexandre Loukachenko, réélu dimanche avec près de 80% des suffrages selon les chiffres officiels, a fait état lundi soir de 639 opposants détenus à l'issue de la manifestation qu'il a qualifiée de «banditisme».

Mardi, le ministre biélorusse de la Justice, Viktor Golovanov, a menacé d'interdire les partis d'opposition dont l'implication serait prouvée dans les «troubles».

Sept des neuf candidats d'opposition à la présidentielle avaient été interpellés dimanche. Deux d'entre eux ont été relâchés lundi soir et placés sous contrôle judiciaire.

Sous le coup de la fermeté du régime le plus autoritaire du continent, l'opposition bélarusse est en outre divisée.

Ainsi, Iaroslav Romantchouk, un candidat d'opposition resté à l'écart des événements de dimanche, a accusé les protestataires de «provocation».

Des manifestants ont tenté dimanche de forcer l'entrée du bâtiment gouvernemental, un argument utilisé par les autorités pour justifier la dispersion violente de cette manifestation qui dénonçait des fraudes massives au profit de M. Loukachenko.

Des dissensions internes sont apparues au sein même du Parti citoyen uni de M. Romantchouk, après une entrevue lundi entre ce dernier et Alexandre Loukachenko.

Alexandre Milinkevitch, un leader de l'opposition bélarusse qui avait renoncé à se présenter à la présidentielle faute d'entente sur une candidature unique, s'est lui aussi désolidarisé d'une «provocation» qui selon lui va affaiblir l'opposition pro-occidentale.

Après les événements de dimanche, «la tâche de l'opposition sera encore plus difficile qu'avant car le climat politique s'est dégradé», estime l'analyste Valeri Karbalevitch.

L'expert indépendant Alès Lagvinets estime lui aussi que la situation est «complexe», même si «la forte mobilisation dimanche en dépit des avertissements du régime montre que l'opposition a du potentiel».