C'est un jugement à haute valeur symbolique. Aujourd'hui à Moscou débute l'énoncé du verdict dans le deuxième procès de l'ex-magnat du pétrole Mikhaïl Khodorkovski et de son associé Platon Lebedev, une affaire largement dénoncée comme politique par les défenseurs des droits humains russes. En prison depuis 2003, les deux accusés risquent de rester derrière les barreaux jusqu'en 2017. Selon plusieurs observateurs, le sort de celui qui a osé affronter Vladimir Poutine déterminera le chemin qu'entend prendre le pouvoir russe dans le futur: libéralisation ou autoritarisme.

Q: Qui est Mikhaïl Khodorkovski?

R: Lorsqu'il a été arrêté en 2003 à la sortie de son jet privé en Sibérie, il était l'homme le plus riche du pays. Il dirigeait Ioukos, plus grande entreprise pétrolière privée de Russie, d'une valeur alors estimée à 27 milliardsde dollars. Membre des Jeunesses communistes, il avait fondé sa première banque en 1988, à peine âgé de 25 ans. Comme plusieurs jeunes milliardaires russes, il avait ensuite profité de ses liens avec le Kremlin sous Boris Eltsine et des privatisations des biens de l'État durant les années 90 pour bâtir sa fortune dans des conditions nébuleuses.

Q: Comment s'est-il attiré les foudres de Vladimir Poutine?

R: Au début des années 2000, Mikhaïl Khodorkovski décide de rendre plus transparente sa société afin d'attirer les investisseurs étrangers. Il commence du même coup à financer des partis de l'opposition libérale et laisse paraître des ambitions politiques. Début 2003, lors d'un entretien télévisé au Kremlin avec Vladimir Poutine, alors président, il critique la corruption et l'arbitraire qui règnent dans le pays. Poutine ne cache pas sa colère devant un tel affront et lui demande s'il a bien toujours payé ses impôts. Khodorkovski répond par l'affirmative. «On verra», ajoute Vladimir Poutine. Quelques mois plus tard, Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev sont accusés d'escroquerie à grande échelle et d'évasion fiscale. Ils sont condamnés à une peine de huit ans de camp, qu'ils purgent en majorité en Sibérie, à 6000 km de Moscou. À l'époque, plusieurs Russes applaudissent: enfin, les oligarques payeront pour leurs malversations passées. Or, Khodorkovski, le seul d'entre eux à s'être investi dans l'opposition politique et à avoir voulu instaurer ses propres règles commerciales à l'occidentale, restera le seul puni par la justice russe.

Q: Pourquoi un deuxième procès?

R: Les peines de Mikhaïl Khodorkovski et de Platon Lebedev tirent à leur fin lorsque commence leur deuxième procès en mars 2009. Cette fois, ils sont accusés de détournement et revente illégale de millions de tonnes de pétrole. Ils risquent 14 ans de camp, cumulatifs à leurs premières peines. Vraisemblablement, il s'agit pour le pouvoir d'un moyen d'éviter leur mise en liberté.

Q: Quel est le verdict le plus probable?

R Iouri Schmidt, avocat principal de Khodorkovski, a déclaré lundi que le défunt Paul le poulpe, spécialiste des prédictions sportives, aurait été plus qualifié que lui-même pour répondre à cette question. «Dans l'affaire Khodorkovski, comme pour une quantité significative d'autres procès politiques en cours, mon expérience et mon savoir ne sont d'aucune utilité», a déclaré à la Deutsche Welle M. Schmidt, avocat depuis plus d'un demi-siècle. Il dit tout de même conserver l'«espoir irrationnel» d'un acquittement.

Q: Qu'est-ce qui pourrait sauver Khodorkovski?

R: Selon ses proches, seule l'intervention du président Dmitri Medvedev, qui a appelé lors de son élection en 2008 à la fin du «nihilisme légal» dans le pays, pourrait mener à un verdict de non-culpabilité. Or, le premier ministre Vladimir Poutine, plus autoritaire et ennemi juré de Khodorkovski, a habituellement eu le dernier mot sur le «libéral» Medvedev dans les dossiers de haute importance depuis que les deux hommes se partagent le pouvoir.