Il Cavaliere demeure en selle, mais il a perdu de sa superbe à l'issue d'un vote serré qui témoigne de son emprise incertaine sur les rênes du pays.

Le gouvernement de Silvio Berlusconi a survécu hier par trois voix seulement à une motion de défiance grâce au soutien imprévu de deux députées du parti Futur et Liberté pour l'Italie (FLI) de son ex-allié, Gianfranco Fini.

Cet ancien politicien d'extrême droite, qui préside la Chambre des députés, avait quitté récemment la coalition au pouvoir en emmenant plus d'une trentaine de députés.

L'annonce de la défection des deux élues du FLI a suscité de vives tensions parmi les députés, forçant l'interruption temporaire du vote.

«Je suis serein»

Quelques heures plus tôt, le chef du gouvernement italien avait remporté une victoire beaucoup plus large au Sénat, où son parti, Le Peuple de la liberté (PDL), conserve une confortable majorité grâce au soutien de la Ligue du Nord, formation xénophobe. «Je m'y attendais. Je suis serein comme je l'ai toujours été», a brièvement commenté M. Berlusconi à l'issue du processus.

Le chef des députés du PDL, Fabrizio Cicchitto, était plus loquace. «Heureusement que Berlusconi existe. S'il n'existait pas, il faudrait l'inventer. Je peux vous dire que la saison de Berlusconi n'est pas finie», a-t-il déclaré, narguant les analystes qui évoquaient depuis quelques jours la chute possible de son mentor.

«Je veux dire aussi à Gianfranco Fini que celui qui brise l'unité de la droite aujourd'hui commet une erreur politique et se met en contradiction avec le vote populaire», a ajouté M. Cicchitto.

Le chef du FLI apparaît de fait comme le grand perdant du vote, souligne le politologue français Marc Lazar, expert de l'Italie. «Ce sera très difficile pour lui de conserver la présidence de la Chambre des députés», a-t-il déclaré hier à La Presse.

Déclin certain du berlusconisme

Bien qu'il puisse légitimement crier victoire, le chef du gouvernement n'a pas vraiment de raison de pavoiser puisque sa marge de manoeuvre politique demeure très mince. Il pourrait être tenté de convoquer les électeurs aux urnes pour renforcer sa position, mais il est plus probable qu'il cherchera à élargir sa coalition, note M. Lazar.

Le coloré politicien de 74 ans, englué dans des scandales de corruption et des histoires de moeurs qui sont venus ternir encore son image déjà malmenée à l'étranger, avait promis lundi, pour apaiser ses détracteurs, d'intégrer des élus centristes dans un nouveau gouvernement.

Il avait aussi évoqué les répercussions économiques potentielles d'un vide de pouvoir alors que la zone euro est secouée par d'importantes turbulences. L'Italie a une dette très importante qui la rend vulnérable aux caprices des marchés financiers.

Sergio Romano, éditorialiste au Corriere della Sera, note en entrevue qu'il est «paradoxal» qu'aucun des partis de centre droit, mis à part la Ligue du Nord, ne souhaite vraiment d'élection à ce stade. Selon lui, le véritable but de la bataille pour Gianfranco Fini et ses alliés centristes était de faire tomber Silvio Berlusconi afin d'être en position de force pour négocier la composition d'un nouveau gouvernement.

Bien qu'il ait battu ses détracteurs pour l'instant, Il Cavaliere, qui a cru pouvoir se comporter selon ses caprices, notamment en mêlant vie privée et vie publique, devra revoir ses façons de faire, croit M. Romano.

M. Lazar pense, dans la même veine, qu'on assiste à un «déclin certain de Berlusconi et du berlusconisme» dans le pays.