L'appel à vider les banques inspiré par Eric Cantona a fait un «flop» mardi: les milliers d'internautes séduits par l'initiative n'ont pas mis leur menace à exécution, tandis que l'ex-star du foot a fait «un retrait bancaire symbolique» à l'écart des médias.

Une vingtaine de journalistes ont attendu toute la journée de mardi la venue de l'ancienne star du ballon rond à l'agence BNP Paribas d'Albert, dans le nord de la France, qui avait préparé à sa demande une somme d'argent à sa disposition. Afin de rester «à l'écart de l'emballement médiatique», Eric Cantona s'est rendu dans une agence bancaire de la ville voisine de Péronne.

«Son entourage m'a fait savoir qu'il ne souhaitait pas parler de cette histoire et qu'il voulait se concentrer sur son film», a indiqué à l'AFP un photographe du quotidien Le Parisien qui a croisé, en fin de matinée, l'ancienne vedette de Manchester United sur le lieu où il tourne actuellement un film.

À l'instar de l'ancien footballeur, la plupart des internautes qui avaient annoncé qu'ils videraient leur compte n'ont pas été au rendez-vous.

«Nous n'avons rien remarqué. C'est un non-événement», a indiqué à l'AFP la Fédération nationale du Crédit Agricole, qui représente l'ensemble des caisses régionales du groupe.

À Paris, Lille et Marseille, l'appel à retirer son argent des banques a semblé très peu suivi, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Plusieurs personnes interrogées en agence ou dans la rue ont témoigné de leur sympathie pour l'initiative, sans pour autant vouloir la suivre.

Nour-Eddine Zamoum, restaurateur de 47 ans et client de BNP Paribas à Marseille a, lui, jugé l'appel «''intéressant"; mais, a-t-il dit, «je ne pense pas que cela soit faisable. Je ne sais pas où ils vont mettre l'argent. Sauf s'il y a une alternative».

Dans une vidéo qui avait fait du buzz sur internet, «Canto» avait affirmé: «S'il y a 20 millions de gens qui retirent leur argent, le système s'écroule». «La révolution se fait par les banques. Au lieu d'aller dans les rues faire des kilomètres (pour manifester), tu vas à la banque de ton village et tu retires ton argent», avait-il lancé.

Cet appel à passer à l'acte, le 7 décembre, s'était répandu via le réseau Facebook à plusieurs autres pays d'Europe, dont le Royaume-Uni et la Belgique. Il a été jugé irresponsable par la plupart des responsables politiques français et européens.

«Un citoyen comme Eric Cantona ne doit pas induire en erreur des gens simples qui n'ont pas les économies qu'il a», a déclaré le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker.

La mobilisation sur internet et la polémique engendrée par cette initiative illustre la défiance persistante à l'égard du secteur, deux ans après la crise financière.

«Ce que Cantona pose, c'est une question que tous les Français se posent», c'est-à-dire: «dans le fond, les banques nous ont emmenés au mur, on les a beaucoup aidées; aujourd'hui, elles refont des profits et nous, on va toujours aussi mal», a reconnu la dirigeante du Parti socialiste, Martine Aubry.

Le patron de la Banque nationale de Belgique Guy Quaden a perçu dans cette initiative «le degré d'animosité de la population à l'égard des banquiers, à la suite des bêtises faites par certains d'entre eux».

À Paris, des membres du collectif «Sauvons les riches» ont vidé mardi leurs comptes dans une agence de la Société Générale avant de déposer les espèces retirées au Crédit Coopératif, détournant l'appel d'Eric Cantona pour en faire un mouvement «constructif».

Habillé d'une fausse tenue de Cantona sous le maillot de Manchester United, un membre du collectif, Maxime Hupel, a salué l'appel d'Eric Cantona tout en précisant: l'objectif de «Sauvons les riches» «n'est pas de faire écrouler le système», mais «de le faire mieux fonctionner».