La justice suédoise a ordonné jeudi l'arrestation du fondateur du site WikiLeaks, Julian Assange, à la suite d'une demande en ce sens déposée par le Parquet qui va lancer un mandat d'arrêt international dans le cadre d'une enquête pour «viol et agression sexuelle».

«Nous avons décidé de l'arrêter in abstentia», a déclaré à l'AFP le juge Alan Camitz du tribunal de Stockholm. Cette procédure équivaut à un mandat d'arrêt.

«Nous le rechercherons à l'international, via Interpol», a déclaré dans la foulée à l'AFP la procureur en charge du dossier, Marianne Ny. Elle a ajouté qu'elle ne savait pas quand exactement le mandat d'arrêt international serait émis mais que «ce devrait être bientôt».

Mme Ny avait demandé jeudi matin au tribunal de Stockholm d'émettre un mandat d'arrêt contre M. Assange afin de pouvoir «l'interroger».

«L'enquête est arrivée à un point où il est impossible de poursuivre sans interroger M. Assange», a-t-elle expliqué.

Un premier mandat d'arrêt avait été émis en août à la suite des témoignages de deux femmes ayant accusé - sans porter plainte formellement - M. Assange, l'une de viol et l'autre d'agression sexuelle.

Ce premier mandat avait été annulé quelques heures plus tard et le dossier clos, mais le 1er septembre Mme Ny avait rouvert l'enquête.

À l'époque, elle n'avait pas fait émettre de mandat d'arrêt et M. Assange, citoyen australien de 39 ans qui se trouvait alors en Suède, avait quitté le pays.

Jeudi devant la cour de Stockholm, le Parquet a réclamé un mandat d'arrêt contre M. Assange pour deux agressions sexuelles commises à Stockholm, une à Enköping et un viol à Enköping le 17 août, selon l'agence TT. Mais il n'y a toujours que deux victimes supposées, a assuré Mme Ny.

«Bien sûr qu'il nie toutes ces allégations (...) et nous ne pensons pas que demander son arrestation soit une mesure proportionnelle à un simple interrogatoire», s'est insurgé l'avocat suédois de M. Assange, Björn Hurtig, soulignant qu'un interrogatoire pouvait être organisé de «plusieurs autres façons».

Ce à quoi Mme Ny répond avoir «épuisé toutes les procédures normales pour mettre en place un interrogatoire».

«Enfin. Cela (le mandat d'arrêt) aurait dû être fait plus tôt», a réagi Claes Borgström, l'avocat des deux victimes présumées, cité par l'agence TT.

L'avocat britannique de M. Assange a lui accusé le Parquet suédois de conduire «non une instruction mais une persécution».

«Malgré son droit au silence, mon client a offert à plusieurs reprises d'être interrogé (...) Toutes ses offres ont été catégoriquement refusées par un procureur qui abuse de son pouvoir», déclare Me Mark Stephens dans un communiqué posté sur Twitter avant la décision du tribunal de Stockholm.

Julian Assange, qui se trouvait jeudi matin en Grande-Bretagne selon son avocat et un collaborateur islandais, est d'accord pour répondre aux interrogations de la justice suédoise, mais pas n'importe quand car «il a son propre agenda et beaucoup de travail», a assuré Me Hurtig.

De passage à Genève le 4 novembre, M. Assange avait effectivement annoncé la publication dans les prochains mois par WikiLeaks de documents confidentiels «sur plusieurs pays dont les États-Unis».

Après avoir publié en juillet 77 000 documents secrets sur le conflit afghan, WikiLeaks a mis en ligne en octobre près de 400 000 rapports d'incidents qui montrent que l'armée américaine n'a «rien fait» pour empêcher des tortures commises par les forces irakiennes.

M. Assange avait qualifié cet été les accusations portées contre lui en Suède de «campagne calomnieuse», peut-être orchestrée par le Pentagone pour salir la réputation de son site, devenu la bête noire des haut-gradés de l'armée américaine.