Après des mois d'atermoiements marqués par de fortes querelles intestines, le président français Nicolas Sarkozy a finalement opté pour le «changement dans la continuité», dixit Le Monde, en remplaçant le premier ministre François Fillon par... François Fillon.

Une violente bataille faisait rage dans les coulisses depuis plusieurs semaines entre les partisans de M. Fillon et ceux du ministre de l'Écologie, Jean-Louis Borloo, qui a refusé hier de faire partie du nouveau gouvernement du pays après s'être vu préférer son adversaire.

Le chef d'État, qui avait promis un important remaniement il y a déjà plusieurs mois, a fait savoir samedi soir, peu après son retour du sommet du G20 en Corée du Sud, qu'il avait accepté la démission du premier ministre et de son équipe.

Ce n'est finalement qu'hier matin que l'annonce de la reconduction de M. Fillon a été confirmée. Les deux hommes se sont ensuite retrouvés à trois reprises pour discuter de la composition du nouveau gouvernement, qui a été dévoilée en soirée.

Une «nouvelle étape politique»

Le premier ministre, austère politicien de 56 ans, a indiqué qu'il s'engageait «avec détermination» dans une nouvelle étape politique aux côtés de Nicolas Sarkozy, pour qui il dit éprouver «une profonde estime personnelle».

L'opposition n'a pas manqué d'ironiser sur la décision. Le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, a déclaré que la reconduction de François Fillon, «premier ministre en échec sur toutes les questions importantes», reflétait l'échec du président lui-même.

«Nicolas Sarkozy n'a pas d'alternative à la poursuite d'une politique d'austérité et de sacrifices pour les Français», a déploré le ténor de gauche.

«Tout ça pour ça», a ironisé dans la même veine le président du groupe parlementaire socialiste, Jean-Marc Ayrault.

Marielle de Sarnez, vice-présidente du Modem, formation centriste, pense que la décision de reconduire François Fillon signifie qu'il «n'y aura aucun changement, ni de politique, ni de ligne, ni de cap» avec le nouveau gouvernement, resserré par rapport au précédent.

Parmi les personnalités sortantes figure le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui avait exprimé des réserves relativement à certaines mesures du gouvernement, y compris celles portant sur les Roms. Il est remplacé par l'ex-ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie.

Une autre recrue de gauche, Éric Besson, passe à l'Industrie. L'Immigration, dont il était chargé, passe sous la responsabilité du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, maintenu en poste.

L'ex-ministre du Travail Éric Woerth, qui pourrait connaître des démêlés judiciaires en raison de son rôle dans l'affaire Bettencourt, est exclu même s'il avait demandé, encore hier, de demeurer au gouvernement.

Les secrétaires d'État Fadela Amara et Rama Yade, qui incarnaient «la diversité» au sein du précédent gouvernement, ont aussi perdu leur poste. Des départs compensés en partie par l'arrivée au secrétariat d'État à la Jeunesse de la présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, Jeannette Bougrab.

L'ex-premier ministre Alain Juppé, qui était venu enseigner au Québec après une condamnation dans une affaire d'emplois fictifs, revient au gouvernement comme ministre de la Défense.

Les discussions sur l'attribution des postes se sont accélérées après que Jean-Louis Borloo eut indiqué en fin d'après-midi qu'il refusait d'entrer au nouveau gouvernement, préférant «retrouver sa liberté de proposition et de parole au service de ses valeurs», la plus importante étant «la cohésion sociale».

Certains analystes prédisent que le politicien tentera d'assembler derrière lui les élus centristes en vue de se présenter à l'élection présidentielle de 2012. Pour désamorcer la fronde, le poste de ministre de la Justice a été donné à un élu centriste, Michel Mercier.

Une autre partie du casse-tête tournait autour du sort du leader parlementaire du parti de la majorité, Jean-François Copé, qui se serait vu proposer de passer au ministère de l'Intérieur. Il a finalement obtenu en après-midi le poste de secrétaire général de l'UMP qu'il convoitait.

Dernière ligne droite

Le dévoilement de la composition du gouvernement marque la fin du feuilleton du remaniement et le lancement de la dernière ligne droite politique avant l'élection présidentielle de 2012.

Nicolas Sarkozy doit faire connaître, lors d'une allocution télévisée prévue jeudi à une heure de grande écoute, quelles seront les priorités de l'État pour les 18 prochains mois.

Il tentera de profiter de l'occasion pour tourner définitivement la page sur la réforme des retraites, promulguée la semaine dernière.

Le conflit entourant la réforme n'a rien fait pour améliorer la cote de popularité du chef d'État, qui tourne autour de 30%. Si le scrutin présidentiel avait lieu demain, il serait battu au second tour par la chef socialiste Martine Aubry, indique un récent sondage.