L'effondrement de la caserne des gladiateurs à Pompéi la semaine dernière est le dernier épisode d'une liste embarrassante de vestiges archéologiques que l'Italie ne parvient pas à préserver, faute de soins.

«Nous sommes étonnés quand certains murs s'écroulent», reconnaît l'archéologue Andrea Carandini, à la tête d'un groupe de consultants qui travaille pour le ministère de la Culture.

«Mais ce sont des ruines qui ne sont pas systématiquement entretenues, alors le miracle, c'est que si peu d'entre elles s'effondrent.»

Samedi dernier, la caserne des gladiateurs s'est affaissée à Pompéi, le célèbre site archéologique situé dans la banlieue de Naples. C'était dans cette maison aux murs couverts de fresques que se préparaient les gladiateurs avant les combats. La bâtisse, qui avait résisté à l'éruption du Vésuve en 79 avant Jésus-Christ, n'a pas survécu à la négligence contemporaine.

Les spécialistes avancent plusieurs explications. Pour les uns, les eaux de pluies se sont infiltrées, fragilisant l'édifice. Pour les autres, le béton renforcé utilisé pour des réparations en 1947 a mal vieilli. Quelle qu'en soit la cause, l'écroulement de la caserne des gladiateurs est pour le moins embarrassant dans un pays qui regorge de trésors archéologiques.

«Nous sommes fatigués de commenter les perpétuels effondrements et dommages subis par l'héritage archéologique de notre pays», écrit Giorgia Leoni, présidente de la Confédération italienne des archéologues, dans un communiqué publié juste après l'incident de la caserne des gladiateurs.

Mardi, le président italien Giorgio Napolitano a estimé que l'embarras national avait pour cause principale une «terrible négligence».

En janvier dernier, déjà à Pompéi, la maison des amants chastes s'était affaissée. Fin mars, à Rome cette fois, un plafond de la Domus aurea (la maison dorée, l'ancien palais de Néron) s'est effondré.

Il y a trois ans, c'était le mur d'Aurélien qui s'écroulait sur une demi-douzaine de mètres. Construite par l'empereur romain au IIIe siècle de notre ère pour protéger la Ville éternelle d'éventuelles invasions barbares, l'enceinte fortifiée s'est retrouvée fragilisée en un point par plusieurs jours de fortes pluies: une section de 6 mètres s'est transformée en un tas de briques.

Il y a quelques mois, trois bouts de mortier se sont détachés du Colisée. L'amphithéâtre romain du Ier siècle a traversé tremblements de terre, pillages et coups de foudre, mais les ingénieurs se demandent s'il sortira intact de la pollution actuelle et des vibrations incessantes du métro qui passe à proximité.

Autre source d'inquiétude: les ruines du mont Palatin, où les empereurs de Rome avaient bâti leurs palais. Les structures de briques sont fissurées et l'eau s'infiltre, si bien qu'archéologues et ingénieurs redoutent un effondrement.

Le ministère de la Culture, chargé de préserver et restaurer tous ces bâtiments, ne reçoit que 0,18 pour cent du budget national italien -contre par exemple 1 pour cent en France.

Des entreprises, certes, apportent leurs propres deniers. Mais souvent ces mécènes ne consacrent leurs fonds qu'à des monuments célèbres, plus rentables en termes de publicité.

Paradoxalement, le savoir-faire italien dans le domaine de la préservation et de la restauration est tellement reconnu que des pays étrangers y font appel. La Turquie a par exemple demandé à l'ingénieur italien Giorgio Croci, réputé dans ce domaine, d'identifier les risques auxquels sont exposés les monuments d'Istanbul.

Le plus regrettable est que prévenir des dommages comme ceux de Pompéi ne coûte pas forcément très cher, assure M. Croci. Selon lui, il suffit parfois d'injecter un matériau pour consolider la pierre ou tout simplement d'abriter la structure.