En recevant en grande pompe Hu Jintao et en sacrifiant les droits de l'Homme, la France reconnaît que la Chine est indispensable à la réussite de sa présidence du G20, priorité de sa diplomatie des 12 mois à venir et instrument du maintien de standing international.

Outre une pluie de contrats pour les entreprises françaises, Hu Jintao a promis jeudi à Paris «un soutien aux efforts de la France pour assurer le succès» du G20, dont Nicolas Sarkozy prendra la présidence le 12 novembre.

Le président américain Barack Obama, affaibli par la défaite du parti démocrate aux élections de mi-mandat, ne pourra guère fournir d'appui aux ambitions françaises de rénovation de la gouvernance mondiale, tant il sera obligé de composer avec les Républicains, plus hostiles à la régulation du système financier.

Le chef de l'État français se tourne vers la deuxième économie mondiale, cherchant une vraie réconciliation après un an et demi d'une normalisation froide. Un acteur bien plus essentiel que d'autres émergents comme le Brésil ou l'Inde, selon les chercheurs.

«Un pays complètement incontournable pour quelque accord international que ce soit», insiste Sylvie Matelly, spécialiste d'économie internationale à l'Institut pour les relations internationales et stratégiques (IRIS).

Un pays charnière aussi qui «joue du monde comme d'un clavier», ajoute François Godement, chercheur à l'European Council of foreign relations (ECFR). Il souligne la capacité de Pékin à jouer les intérêts de l'Europe contre ceux des États-Unis, de certains Européens contre d'autres, de partenaires du Nord contre ceux du Sud, au gré des dossiers.

Nicolas Sarkozy s'est résolu à faire l'impasse sur les droits de l'homme tant il souhaite un appui du géant asiatique sur les trois «chantiers» ambitieux du G20: la réforme du système monétaire, le réglement de la volatilité des prix des matières premières et la réforme de la gouvernance mondiale.

Mais la marge de manoeuvre française reste étroite. Sur la réforme monétaire, la France et l'Europe «sont un peu les parents pauvres». «On est entre l'enclume et le marteau, entre le dollar et le yuan», la monnaie chinoise dont les Occidentaux souhaitent la réévaluation, note François Godement.

La Chine a les cartes en main pour qu'une croissance «soutenable et durable», recommandée dans les précédents sommets du G20, «ne demande pas trop de sacrifices aux États-unis ou à l'Union européenne», note Sylvie Matelly. Ces cartes sont connues: accepter une réévaluation du yuan, modérer les exportations et dymamiser sa consommation intérieure.

Mais beaucoup d'experts mettent en garde contre un soutien en trompe l'oeil de Pékin à la France.

Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), pense que la Chine apportera un appui formel à la France sur la refonte du système financier, sans s'engager sur une «vraie réforme» de fond.

En retour, la France peut offrir à la Chine un accès à ses produits bien sûr, mais aussi à des secteurs stratégiques pour elle, comme l'approvisionnement en uranium, via le groupe Areva, selon les experts.

En difficulté sur plan intérieur, plombé par son impopularité, Nicolas Sarkozy mise beaucoup à titre personnel sur sa présidence du G20, qui durera un an. La visite de Hu Jintao ouvre une séquence internationale riche, qu'il compte réussir avant l'élection présidentielle de 2012.

Le président français a fait beaucoup de concessions à la partie chinoise: pas de conférence de presse, afin que Hu Jintao n'ait pas à s'exprimer sur le sort du dissident Prix Nobel Liu Xiaobo, manifestants vigoureusement éloignés des officiels chinois, et communication minimaliste.

Jeudi soir à l'Elysée, les Français ont même laissé la vice-ministre chinoise des Affaires étrangères Fu Ying, annoncer les résultats de la visite, qu'il s'agisse des milliards de contrats ou du refus de la partie chinoise de parler des droits de l'Homme.

Photo AFP

Le Premier ministre François Fillon a reçu le président Hu Jintao au palais de Matignon, ce vendredi.