L'essoufflement du mouvement de protestation contre la réforme des retraites en France était nettement perceptible, tout comme l'amertume de nombreux manifestants, jeudi au cours de la septième journée d'action depuis septembre contre ce projet phare de Nicolas Sarkozy.

Le ministère de l'Intérieur a totalisé jeudi 560 000 manifestants dans toute la France, soit la plus faible mobilisation depuis la rentrée. De son côté, le syndicat CGT a évalué la mobilisation à deux millions de personnes, également en baisse, mais dans une moindre mesure.

Au plus fort de la mobilisation, le 12 octobre, les autorités avaient recensé 1,2 million de manifestants, contre 3,5 millions pour les syndicats.

La mobilisation est «inférieure» aux précédentes journées, mais encore de «grande ampleur», avait relativisé Bernard Thibault, secrétaire général du syndicat CGT, le plus important, juste avant le départ de la manifestation à Paris.

«Il y a une défaite provisoire (...) Mais la fraternité, la justice a un sens et un jour, ces valeurs reprendront leurs droits», a déclaré la socialiste Ségolène Royal, assurant que son parti reviendrait sur la réforme «injuste» du président Sarkozy en cas de victoire aux élections de 2012.

Le cortège parisien, traditionnellement le principal du pays, a rassemblé entre 31 000 personnes, selon la police, et 170 000, selon le syndicat CGT, soit en moyenne deux fois moins que lors de la dernière journée de mobilisation le 19 octobre, selon les deux sources.

«C'est dur de voir des collègues qui nous lâchent, qui baissent les bras», reconnaît Laurent Montels, 36 ans, un salarié de la raffinerie de Grandpuits, près de Paris. «On ne lâche rien», «on veut pas crever au boulot», scandaient un peu plus loin des manifestants.

Environ 269 défilés ont eu lieu en France pour cette septième journée d'action organisée depuis début septembre pour protester contre le projet de loi, dont la mesure la plus contestée est le recul à 62 ans de l'âge de départ à la retraite.

Ce «n'est pas un baroud d'honneur», a affirmé le responsable du syndicat Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, assurant que le mouvement n'était pas fini, et ce malgré l'adoption définitive mercredi par l'Assemblée nationale de la réforme.

Après plusieurs mois de bras de fer avec le pouvoir, ils espèrent désormais que le chef de l'État, dont la cote de popularité s'est effondrée au fil du conflit, renonce à promulguer cette loi. La réforme n'entrera en vigueur qu'après cette promulgation.

Pour l'opposition socialiste, c'est désormais «l'objectif» de la contestation. En saisissant le Conseil constitutionnel pour examiner la loi, elle a déjà repoussé la promulgation à la mi-novembre.

Les syndicats, qui appellent à une nouvelle journée de manifestations le 6 novembre, misent aussi sur le soutien de l'opinion publique. Selon un sondage publié jeudi, 65% des Français soutiennent encore la mobilisation.

Mais la pression sur l'exécutif s'atténue avec l'essoufflement des grèves reconductibles que les syndicats ont encouragées dans les secteurs stratégiques de l'énergie et des transports.

Le blocage des 12 raffineries du pays a provoqué de graves pénuries d'essence et une quasi-asphyxie de l'économie. La moitié d'entre elles étaient encore jeudi à l'arrêt ou en activité réduite. La situation s'améliorait aussi dans les stations-service avec une pompe sur cinq manquant de carburant.

Des perturbations affectaient les transports ferroviaires et aériens, mais moindres que lors de la précédente journée du 19 octobre.

Un remaniement gouvernemental annoncé pendant l'été par M. Sarkozy devrait intervenir à la mi-novembre, avec l'objectif de donner un nouveau souffle à son mandat en vue de la présidentielle de 2012.