Prenant le contrepied d'organisations non gouvernementales, le premier ministre du Québec, Jean Charest, a souligné cet après-midi qu'il fallait faire preuve de patience envers les pays de la francophonie peu soucieux de démocratie et de défense des droits humains.

«C'est facile pour nous d'oublier que la démocratie n'est pas arrivée chez nous du jour au lendemain, que ça a été un apprentissage, que c'est quelque chose qui doit être apprivoisé», a déclaré M. Charest lors d'un point de presse tenu en après-midi à Montreux, en Suisse, où se déroule le XIIIe Sommet de la francophonie.

L'Organisation internationale de la francophonie (OIF), dit-il, «en fait davantage» à ce sujet depuis l'adoption, il y a dix ans, de la déclaration de Bamako dans laquelle les pays de la francophonie s'étaient engagés à défendre et promouvoir les droits humains.

«Ce que nous faisons à l'interne est très utile pour amener les pays à cheminer vers des pratiques démocratiques qui ressemblent davantage à ce que nous souhaitons», a ajouté M. Charest.

Amnistie internationale déplore le fait que l'OIF rechigne à sévir contre plusieurs pays membres dont le bilan en matière de droits humains est loin d'être exemplaire.

Cette tolérance explique la présence, à Montreux d'hommes forts comme le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang, qui a été chaleureusement accueilli samedi matin à son arrivée au centre de congrès où se déroulent les discussions.

La présidente de la Confédération helvétique, Doris Leuthard, était aussi tout sourire, assurant au chef d'État africain qu'elle était «très contente» de le rencontrer avant de l'inviter à se joindre aux autres dirigeants politiques déjà assis dans la salle.

Rien ne laissait deviner, en voyant la scène, que Teodoro Obiang est régulièrement fustigé par les organisations de défense des droits de l'homme comme un dictateur impitoyable qui détourne, depuis des années, les ressources pétrolières de son pays à des fins personnelles.

Dans un récent rapport, Human Rights Watch relève qu'il existe peu de pays en Afrique où le «déficit en matière de société civile et d'opposition politique est si évident». L'organisation dit avoir documenté de multiples cas de détention arbitraire, de harcèlement et d'exécutions extra-judiciaires.

Outre Teodoro Obiang, plus d'une quarantaine de chefs d'État et de gouvernement étaient présents samedi matin lors de la séance plénière marquant l'ouverture des discussions.

Le premier ministre canadien, Stephen Harper, parlant après la présidente de la confédération helvétique, a invité les membres de la francophonie à se «serrer les coudes» pour venir en aide aux Haïtiens au cours d'une brève intervention.

Le premier ministre québécois a aussi fait de l'aide à Haïti une priorité. Il a indiqué en après-midi que la province avait présenté une résolution visant à en faire un «pays prioritaire» pour la francophonie. Elle doit être débattue dimanche matin.

Québec, qui finance déjà divers projets sur place, entend notamment créer une école professionnelle. Une mission technique du gouvernement doit se rendre sur place la semaine prochaine.

En plus d'en appeler à la solidarité des autres pays francophones, Jean Charest a pressé aujourd'hui ses homologues de faire plus pour promouvoir l'usage de la langue française, dans tous les domaines.

«Le combat en faveur de la langue française (...) reste une mission fondamentale de la francophonie multilatérale... Si ce n'est pas nous qui défendons la langue française, aucune autre institution ne le fera à notre place», a-t-il déclaré.

Le président français Nicolas Sarkozy, qui devait repartir en fin de journée, a surtout profité du sommet pour plaider en faveur de nouvelles réformes du système économique mondial. La France doit prendre la présidence du G20 dans quelques semaines.

Les chefs d'États et de gouvernement de la francophonie, qui ont discuté à huis clos de gouvernance et de développement durable en après-midi, doivent se retrouver demain matin pour conclure leurs travaux.