Le Sénat français a voté vendredi l'impopulaire réforme des retraites qui provoque depuis la rentrée un massif mouvement de manifestations et grèves, générant d'importantes pénuries de carburant et constituant la plus grande crise du mandat de Nicolas Sarkozy.Le Sénat français a voté la réforme des retraites

Le gouvernement compte aussi sur les vacances de la Toussaint, qui commencent vendredi soir, pour affaiblir la mobilisation contre cette réforme alors que les syndicats ont appelé à deux nouvelles journées de mobilisation.

Déjà adopté par l'Assemblée nationale, le projet de loi a été voté par les sénateurs (177 pour, 153 contre). Le vote définitif du texte devrait avoir lieu mercredi, a indiqué à l'AFP le ministre des Relations avec le Parlement, Henri de Raincourt. Le président français devrait remanier le gouvernement peu après.

«Un jour viendra où nos adversaires d'hier seront reconnaissants», a déclaré avant le vote le ministre du Travail Éric Woerth.

Cette réforme doit reculer de 60 à 62 ans l'âge minimal de départ à la retraite et de 65 à 67 ans l'âge auquel il sera possible de percevoir une pension complète.

Selon le gouvernement, ces mesures sont indispensables à la préservation du système de retraites par répartition, dans lequel les pensions sont financées par les actifs, car l'allongement de la durée de la vie oblige à travailler plus longtemps. Les besoins de financement du système en l'absence de réforme seraient de près de 44 milliards d'euros (63 milliards de dollars) en 2018, selon les experts.

Comme les autres syndicats et l'opposition socialiste, le leader de la CFDT, François Chérèque, a évoqué «un fort sentiment d'injustice sur cette réforme et sur beaucoup d'autres choses».

Au plus bas dans les sondages, Nicolas Sarkozy a fait de ce texte la réforme phare de la fin de son mandat à 18 mois de la présidentielle et le symbole de son engagement à changer la France. Mais il vit aussi la plus grande crise depuis son élection en 2007.

Depuis la rentrée, les syndicats, rejoints par les jeunes, maintiennent la pression dans la durée et durcissent le mouvement avec six journées d'actions nationales depuis début septembre et des niveaux de mobilisation élevés, voire record.

Ils ont appelé à se mobiliser à nouveau les 28 octobre et 6 novembre, soutenus par deux Français sur trois (69%), selon un sondage BVA publié vendredi. Dès mardi, jeunes et étudiants défileront encore partout en France à l'appel de leur syndicat UNEF, en dépit des vacances scolaires.

Les appels au débrayage sont particulièrement suivis dans le secteur stratégique de l'énergie avec les 12 raffineries de France à l'arrêt et des dépôts pétroliers bloqués, provoquant des pénuries de carburant dans les stations-service et un ralentissement de l'activité dans plusieurs secteurs.

Le ministre de l'Écologie et de l'Énergie Jean-Louis Borloo a indiqué vendredi qu'«entre 20 et 21%» des 12 300 stations-service étaient toujours à sec.

Et un retour à la normale dans l'approvisionnement «prendra encore plusieurs jours», a concédé le gouvernement sans donner de date, soulignant que des «quantités importantes de carburant» avaient été «importées».

M. Borloo a affirmé que des mesures de rationnement d'essence n'étaient «pas prévues pour l'instant» et demandé une «mutualisation» des réseaux de distribution pour faire face à la pénurie. Mais deux préfectures du nord-ouest ont pris des arrêtés limitant l'approvisionnement du carburant.

Du fait de toutes ces grèves, des «centaines de milliers de petites et moyennes entreprises tournent au ralenti», voire s'apprêtent à «cesser leur activité» ce qui risque de pousser «les plus fragiles» à la faillite, s'est inquiété après d'autres l'organisation patronale CGPME.

Pour éviter que la capitale ne soit paralysée, le pouvoir a fait intervenir les gendarmes vendredi matin pour débloquer la raffinerie de Grandpuits, principale source d'alimentation en carburant de la région parisienne, après un ordre de réquisition du personnel.

Jeudi, Nicolas Sarkozy avait accusé les grévistes de prendre «en otage l'économie, les entreprises et la vie quotidienne des Français». Le syndicat  CGT a dénoncé une atteinte illégale au «droit de grève garanti par la Constitution».