Stations fermées ou bondées, et esprits échauffés: les automobilistes de la région parisienne se sont rués sur les pompes samedi, craignant une pénurie de carburant provoquée par la grève des raffineries dans le cadre du mouvement contre la réforme des retraites.

Dans une station de Ris-Orangis, il faut compter au minimum une demi-heure d'attente pour arriver à la pompe. Ici, deux véhicules de police surveillent la file d'attente depuis que deux automobilistes ont manqué d'en venir aux mains.

«Beaucoup de gens mettent 20, 30 euros, visiblement ils prennent leurs précautions», raconte le pompiste qui explique que dès vendredi soir la queue a provoqué un bouchon. «Je suis venu ce matin à l'ouverture avec ma voiture et là, c'était pour celle de ma belle-mère», acquiesce Gilles, un quadragénaire qui refuse de donner son nom.

Dans le cadre du mouvement national contre la réforme des retraites (qui prévoit le recul de l'âge minimal de départ de 60 à 62 ans), l'ensemble des 12 raffineries françaises sont en grève et 10 sont à l'arrêt. La pénurie menace les aéroports parisiens de Roissy et Orly dès le début de la semaine prochaine et des centaines de stations-services sont fermées ou affectées (sur 13 000).

La ministre de l'Économie Christine Lagarde a exhorté samedi les Français à «ne pas paniquer» face cette situation affirmant qu'il n'y avait «pas de pénurie» de carburant.

Mais dans la queue d'une station à Viry-Châtillon, un jeune homme, Firmin, explique qu'il a déjà trouvé trois fois rideau baissé. Pas certain qu'il soit plus chanceux cette fois: «D'ici une demi-heure, je ferme. Les gens sont inquiets. D'habitude le samedi, les premiers clients arrivent vers 09h00. Là, ils étaient là dès l'ouverture à 06h00», relève un employé de la station.

Le ministère de l'Écologie assure que, grâce au déblocage des réserves et aux importations, il n'y a aucun problème jusqu'au «début du mois de novembre». «Au-delà, nous trouverons des solutions en développant les importations», selon la même source. Actuellement, les importations proviennent par camions, barges et bateaux d'Italie, d'Espagne, de Belgique et d'Allemagne.

Mais les automobilistes de la région parisienne, qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler toute la semaine, préfèrent prendre leurs précautions.

À deux pas de l'aéroport de Roissy, le parking jouxtant la station Total est bondé. Franck Havard, 37 ans, directeur de la restauration à l'hôtel Radisson tout proche, est venu avec la navette de l'hôtel. «Le réservoir est loin d'être vide. Mais je veux m'assurer que les clients n'auront aucun problème», explique-t-il.

Place d'Italie à Paris, la queue atteint plusieurs dizaines de mètres dans la matinée. Au nord de la capitale, la situation n'est pas plus rassurante. «Nous n'avons plus de gasoil et nous n'en aurons pas avant lundi», déclare à l'AFP la responsable d'une station BP à Montreuil-sous-Bois qui n'offre plus que du super.

«Il y a énormément de demande depuis le début du week-end. Nous avons été livrés vendredi en gasoil. En temps normal un camion nous fait deux jours, là en une journée tout était parti», poursuit-elle.

Les Français toujours dans la rue

La manifestation à Paris contre la réforme des retraites a rassemblé 50 000 personnes en baisse par rapport aux précédentes mobilisations selon la police, 310 000 selon l'un des principaux syndicats français qui estime la mobilisation toujours aussi forte.

Le chiffre donné par la police est le plus faible pour Paris des cinq journées de mobilisation contre la réforme des retraites organisées depuis début septembre à l'appel des syndicats.

Lors du précédent rassemblement organisé un samedi, jour chômé où les manifestants viennent défiler en famille, le 2 octobre, ils étaient 63 000, selon la police. Lors de la dernière journée de manifestations, mardi, ils étaient 89 000, selon la police.

L'un des deux principaux syndicats français, la CGT, a pour sa part estimé le nombre de manifestants samedi à Paris à 310 000, un chiffre identique à celui fourni par l'organisation le 2 octobre, en baisse de 20 000 par rapport à mardi.

À la mi-journée samedi, quelque 340 000 personnes avaient manifesté en France dans 140 rassemblements, selon le ministère de l'Intérieur, qui juge cette participation «en baisse» par rapport aux quatre précédentes mobilisations.

Le secrétaire général du syndicat Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, a estimé de son côté que la mobilisation était «au moins du même niveau» que le 2 octobre.

Les manifestants protestent contre la réforme des retraites qui prévoit le recul de l'âge minimal de départ de 60 à 62 ans. Une nouvelle journée de mobilisation nationale est prévue mardi à la veille du vote du texte au Sénat.