La milliardaire française Liliane Bettencourt cherche à mettre fin à sa sulfureuse amitié avec le photographe mondain François-Marie Banier, à l'origine d'une embarrassante affaire aux prolongements politiques, qui menace l'image du groupe L'Oréal.

Sous le feu des projecteurs médiatiques depuis quatre mois, la vieille dame de 87 ans dit, dans un entretien à l'hebdomadaire Paris-Match paru jeudi, sa «fatigue» après des mois de «polémique», durant lesquels elle a dû gérer une amitié «hors de prix» et un douloureux conflit avec sa fille unique.

«Les derniers mois ont été pénibles avec toute cette polémique. Et François-Marie ne change pas! Il est invivable. Il entend l'amitié comme exclusive, exigeante et surtout possessive», confie la milliardaire.

François-Marie Banier, vieil ami de la famille, est accusé par la fille de l'héritière Françoise Bettencourt-Meyers d'abus de faiblesse sur sa mère pour avoir obtenu au fil des années près d'un milliard d'euros de dons en assurances-vie et en tableaux dans les années 1990 et 2000.

Ce dossier a brusquement débordé du cadre familial lors de la révélation en juin dans la presse d'écoutes pirates réalisées par des domestiques au domicile de Liliane Bettencourt et visant à démontrer la fragilité psychologique de la femme la plus riche de France.

Mis en cause par ces écoutes, le ministre français du Travail Eric Woerth, pilier du gouvernement du président Nicolas Sarkozy, doit se défendre d'accusations de conflit d'intérêt et de financement politique illégal.

Dans le cadre de l'enquête ouverte sur un éventuel abus de faiblesse, plusieurs témoins ont chargé le photographe, décrit comme avide et accusé d'exercer une mainmise sur Mme Bettencourt.

Mi-juillet, la milliardaire avait déjà pris ses distances en révoquant son ami «follement doué mais tellement brouillon» de son titre de légataire universel, qui lui aurait fait percevoir environ 1,25 milliard d'euros à sa mort.

Sans renier cette amitié, l'héritière du géant des cosmétiques annonce en douceur une franche rupture et son souci de préserver l'image du groupe fondé en 1909 par son père.

«Je ne déprécie pas mon ami ni l'amitié irrésistible que nous avons eue. C'est du passé (...)», dit-elle, reconnaissant pour la première fois «ce problème matériel» qui existait entre elle et le photographe, qui voulait «toujours plus, toujours plus gros».

«Quant à L'Oréal, tant que je vivrai, je ferai en sorte que le groupe demeure français», assure l'héritière.

À travers une holding familiale, les Bettencourt (Liliane, sa fille Françoise et le mari de cette dernière Jean-Pierre Meyers) sont les premiers actionnaires du groupe avec 31% des parts, tandis que le géant suisse de l'alimentaire Nestlé contrôle 29,8% du capital.

Cherchant à se démarquer totalement d'une embarrassante affaire politico-judiciaire, L'Oréal avait annoncé le 20 septembre avoir rompu ses contrats avec François-Marie Banier, lié au groupe jusqu'en 2011 par une convention qui lui garantissait le versement chaque année de plus de 700 000 euros.

S'exprimant pour la première fois sur ce dossier mercredi, le président du conseil d'administration de L'Oréal Lindsay Owen-Jones s'est dit «soucieux» pour l'identité du groupe.

Concernant l'aspect familial de cette affaire, Liliane Bettencourt qualifie toujours d'«indigne» la procédure engagée en décembre 2007 par Françoise Bettencourt-Meyers, mais se dit fatiguée de «toute cette agitation» et peu désireuse de ferrailler avec sa fille.

«Je souhaiterais que tout s'arrête même si cela ne me rapprochera pas d'elle», dit-elle, proposant une sorte de trève à sa fille comme au photographe à qui elle demande: «arrêtons les frais».

De son côté, Françoise Bettencourt-Meyers a toujours dit avoir voulu sauver sa mère d'une «machination». En juillet, elle affirmait: «Je n'ai qu'un but: retrouver ma mère».