Syndicats et gouvernement français ont affiché jeudi leur satisfaction, les premiers affirmant avoir gagné leur pari en mobilisant à nouveau des centaines de milliers de manifestants contre la réforme des retraites, le pouvoir notant la baisse du nombre de grévistes.

Pour la deuxième fois en un peu plus de deux semaines, les salariés français étaient appelés à une journée nationale de grève et de manifestations contre le projet phare de la deuxième partie du mandat de Nicolas Sarkozy.

En tête de la manifestation parisienne, François Chérèque, secrétaire général du syndicat CFDT (réformiste), a assuré que le pari était «gagné». «Ce qu'on attend, c'est que le gouvernement décide de revoir sa réforme et d'en construire une autre», a-t-il ajouté.

Les manifestants brandissaient des pancartes, «prisonniers du boulot» ou «à la retraite Sarkozy, raciste !», une allusion au récent débat sur les expulsions de Roms.

Le principal défilé, à Paris, a rassemblé 300.000 personnes, soit 30.000 de plus que le 7 septembre, selon les syndicats. Mais la police n'a compté que 65.000 manifestants, soit 15.000 de moins qu'il y a deux semaines.

Ces importantes divergences dans les chiffres parisiens expliquent les appréciations très différentes de l'ampleur du mouvement au plan national par les syndicats et le gouvernement.

Alors que le texte a déjà été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale et doit être examiné le 5 octobre au Sénat, les syndicats espéraient faire mieux que le 7 septembre, précédente journée d'action qui avait rassemblé plus d'un million de personnes dans les rues de France selon la police et jusqu'à 2,7 millions selon les principales centrales.

La mobilisation de jeudi se situe «dans les mêmes eaux que le 7 septembre», a commenté le secrétaire général de la CGT (gauche) Bernard Thibault.

D'après les chiffres du ministère de l'Intérieur, «un peu moins de 410.000 manifestants» avaient été comptés dans toute la France à la mi-journée, contre 450.000 le 7 septembre à la même heure.

L'Elysée soulignait aussi une baisse du nombre des grévistes. «En première analyse, cela signifie que soit les Français considèrent que tout cela est déjà derrière eux, soit qu'ils adhérent davantage» au projet de réforme, disait-on à la présidence.

Les perturbations affectaient essentiellement la circulation des trains et des avions, ainsi que le fonctionnement d'écoles, certaines restant fermées.

Dans les aéroports, les voyageurs connaissaient une journée noire, avec généralement l'annulation de 40% des vols, jusqu'à 50% à l'aéroport parisien d'Orly (contre 25% le 7 septembre).

En revanche, le rail était moins touché : la société SNCF prévoyait de faire rouler un train à grande vitesse (TGV) sur deux, mais le trafic international était quasi-normal. La direction a recensé 37% de grévistes et les syndicats près de 50%, en léger recul.

Réforme emblématique de la seconde partie du mandat du président Nicolas Sarkozy, le projet de loi controversé sur les retraites prévoit notamment le relèvement de 60 à 62 ans, à l'horizon 2018, de l'âge minimal de départ à la retraite.

Le gouvernement considère que faire travailler les Français plus longtemps, à l'instar de leurs voisins européens, est la meilleure option pour répondre à des besoins de financement évalués à 70 milliards d'euros d'ici à 2030.

Les syndicats, qui ont prévu de se retrouver vendredi pour décider de la suite à donner à leur mouvement, attendent du Sénat qu'il «réduise les injustices» du texte qui, selon eux, fait peser le poids de la réforme sur les plus modestes.

Nicolas Sarkozy, qui avait déjà concédé quelques aménagements après les manifestations du 7 septembre, pourrait à nouveau faire un geste, en faveur des handicapés, des femmes ou des chômeurs âgés.