Des dizaines de milliers d'Allemands, 100 000 selon les organisateurs, au moins 37 000 selon la police, ont manifesté samedi à Berlin contre l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires décidé par le gouvernement d'Angela Merkel.

«Energie nucléaire: ça suffit!», «Energie nucléaire, non merci!». Partie de la gare centrale, à deux pas des bureaux de la chancelière, s'étirait une mer de drapeaux, banderoles et ballons jaunes et verts frappés de logos anti-atome, de soleils et de tournesols.

Jeunes et vieux, en famille ou entre amis, avec des poussettes et des bambins juchés sur les épaules, une foule hétérogène répondait à l'appel d'associations de défense de l'environnement et de l'opposition, Verts, sociaux-démocrates du SPD et gauche radicale Die Linke.

Objectif: infléchir la décision du gouvernement conservateur-libéral, qui a fait tomber début septembre la date butoir de 2022 qu'avait fixée pour la fin du nucléaire civil le gouvernement SPD-Verts de Gerhard Schröder (1998-2005).

Berlin voit là le seul moyen de tenir les objectifs climatiques, en attendant que les énergies renouvelables puissent prendre la relève.

«C'est une honte. On se sent floués», dit Hartwig Böttcher, 66 ans, enseignant en retraite.

«Le gouvernement s'est mis à genoux devant les géants du nucléaire» EON, RWE, EnBW et Vattenfall, dénonce Claudia Schultz, 33 ans, venue de Rostock (nord) avec ses enfants en bas âge.

«Et pendant ce temps-là, le tas des déchets nucléaires augmente et on ne sait toujours pas quoi en faire», renchérit Laura, une étudiante de 19 ans qui refuse donner son nom.

Le gouvernement a prévu d'accorder aux 17 réacteurs nucléaires un sursis de 8 à 14 ans supplémentaires, selon leur ancienneté. Le dernier pourrait s'arrêter vers 2040.

Le programme doit encore être avalisé par les députés du Bundestag, et le gouvernement espère réussir à éviter un vote au Bundesrat (chambre représentant les régions), où il n'a plus de majorité.

Samedi, des manifestants ont encerclé symboliquement le Reichstag et la chancellerie.

L'accord passé avec les groupes énergétiques est «scandaleux», s'insurge Jochen Stay, porte-parole de l'association Ausgestrahlt («Irradié»). Pour Attac, «il s'agit de permettre à RWE, EON, EnBW et Vattenfall d'augmenter leurs énormes profits» tirés de l'atome.

Ces quatre groupes d'énergie, qui se partagent le gâteau du nucléaire en Allemagne, devront en échange payer une taxe sur le combustible de 2,3 milliards d'euros par an dès 2011.

Reste que, selon les sondages, 59% des Allemands dénoncent le plan Merkel, dans un pays féru d'écologie et où la contestation anti-nucléaire remonte aux années 1970, une époque où défilèrent des centaines de milliers d'opposants.

Et que depuis un an, le mouvement anti-atome a repris du poil de la bête, à la faveur des projets du camp Merkel. En avril notamment, plus de 100 000 personnes avaient formé une chaîne humaine de 120 km entre deux centrales dans le nord du pays. Une mobilisation sans précédent depuis des années.

Pour Christoph Bautz, du réseau de mobilisation Campact, «deux semaines après l'accord, on sent partout dans le pays la colère des gens».

Sociologue, Klaus Hurrelmann voit dans le nouvel élan anti-nucléaire «l'allumette susceptible de déclencher un nouveau mouvement politique», dans le journal Osnabrücker Zeitung de samedi, où il souligne l'engagement particulier des jeunes femmes.

La manifestation de samedi n'est que «le début de ce qui va avoir lieu cet automne», veut croire Jochen Stay.

Un convoi de déchets radioactifs retraités à l'usine française de La Hague (ouest) est attendu en novembre en Allemagne, et comme à chaque fois, les protestations promettent d'être virulentes.