La discorde en Europe autour des renvois de Roms par la France illustre en creux l'échec de l'intégration de cette communauté d'une dizaine de millions de personnes, dans un contexte politiquement explosif sur les questions liées à l'immigration.

«Le débat actuel sur les Roms prouve clairement que l'Union européenne (UE) en tant que telle et ses États membres ont échoué à mettre en oeuvre une politique d'intégration réussie de cette minorité ethnique», la plus grande d'Europe, accuse le président du Comité économique et social européen, un organe de consultation de la Commission européenne, Mario Sepi.

Le dernier «sommet» européen organisé sur la question, en avril à Cordoue durant la présidence espagnole de l'UE, a témoigné de l'importance accordée à la question: la plupart des ministres européens avaient «séché» la rencontre.

«Nous ne pouvons continuer à nous complaire dans des déclarations de principe alors que nous avons un problème massif depuis l'élargissement de l'Europe» qui découvre «en son sein un quart-monde» de 9 à 12 millions de personnes, jugeait récemment le secrétaire d'État français aux Affaires européennes, Pierre Lellouche.

En privé, de nombreux responsables européens estiment que la Roumanie, qui compte à elle seule 2 millions de Roms en grande partie paupérisés, et la Bulgarie (800 000), sont entrés trop tôt dans l'UE car mal préparées.

Avec la polémique actuelle, ces deux États pourraient devoir attendre plus longtemps qu'escompté à la porte de la zone Schengen, l'espace européen sans passeport.

Au-delà, Bruxelles reproche à tous les pays européens de ne pas suffisamment faire pour l'intégration en sous-utilisant de manière flagrante les fonds de l'UE pourtant prévus à cet effet. La Commission vient de mettre en place un groupe de travail pour étudier la question.

Pour la période 2007-13, seuls 12 des 27 États de l'UE consacrent de l'argent du Fonds social européen aux Roms.

Pour la commissaire à la Justice et aux Droits des citoyens, Viviane Reding, au centre cette semaine d'une rude controverse avec la France, l'explication est surtout politique.

«L'argent est disponible mais n'est pas utilisé pour résoudre le problème. Pourquoi? Eh bien à mon avis c'est peut-être parce qu'il n'est pas très populaire dans nos États membres de prendre des fonds européens et de le consacrer à la communauté Rom», victime depuis de siècles de préjugés, a-t-elle dit devant le Parlement européen.

Résultat: les Roms d'Europe de l'Est depuis l'ouverture de l'UE migrent pour certains vers l'Ouest plus opulent, où des pays comme l'Italie ou la France ont opéré un tour de vis sécuritaire à leur égard en décidant le démantèlement de camps jugés illégaux.

Les responsables politiques surfent sur un climat de plus en plus hostile à l'immigration en général dans l'opinion en Europe, aiguisé par une crise économique d'une ampleur historique sur le Vieux continent.

Si le président français Nicolas Sarkozy est en pointe, soutenu par Silvio Berlusconi, d'autres dirigeants ont durci le ton. Le premier ministre belge Yves Leterme, dont le pays préside l'UE, a ainsi appelé jeudi, lors du sommet de l'UE, les Roms à avoir «du respect pour (le droit de) propriété».

Cette communauté s'insurge elle contre ce qu'elle perçoit comme une campagne de «stigmatisation».

«L'UE doit savoir si nous voulons faire avancer la libre circulation ou si nous voulons créer une Union européenne de l'apartheid», a dénoncé le président de la communauté Rom d'Allemagne, Romani Rose.