Nicolas Sarkozy fait face mardi à une nouvelle journée de mobilisation contre sa réforme des retraites, considérée comme un enjeu crucial pour l'avenir du président français mais présentée au Parlement dans un climat de scandales, de grogne générale et de sondages en berne.

Le chef de l'Etat l'a répété, c'est «la réforme emblématique» de son mandat, la «priorité absolue» de sa deuxième moitié de quinquennat.

Le projet repousse l'âge minimal de la retraite de 60 à 62 ans d'ici 2018, revenant sur un acquis social hérité des années Mitterrand.

Il sera présenté mardi à l'Assemblée nationale, en vue d'une adoption fin octobre avant un remaniement gouvernemental annoncé pour novembre.

Ce jour-là, pour la troisième fois depuis le début de l'année, les syndicats, qui jugent cette réforme «injuste», ont appelé à une journée de mobilisation. Grèves et manifestations devraient toucher notamment les secteurs des transports et de la fonction publique. Ils espèrent au moins autant de manifestants que le 24 juin (entre 800.000 et 2 millions).

Une majorité de Français (70%) approuvent cette mobilisation, tout en étant 53% à trouver «acceptable» le report de l'âge légal à 62 ans, selon un sondage Ifop publié dimanche. «Les Français trouvent le projet (...) nécessaire, mais pas juste», explique Jérôme Fourquet de l'Ifop.

L'âge légal est celui à partir duquel un salarié peut prétendre à une pension à taux plein dans le système français dit par répartition, où les actifs paient les pensions des retraités. Confronté à l'augmentation du nombre des retraités, le gouvernement considère que faire travailler les Français plus longtemps, à l'instar de leurs voisins européens, est la meilleure option pour assurer des besoins de financement estimés à 70 milliards d'euros d'ici 2030.

Pour le numéro un de la CFDT (deuxième syndicat, modéré) François Chérèque, une «très» grosse mobilisation est «la seule chance» de «faire changer» la réforme.

Le président reste inflexible sur «le fond» même si le gouvernement fera des propositions sur la pénibilité ou les carrières longues, a répondu dimanche son plus proche collaborateur Claude Guéant.

Pour les analystes, c'est sur cette réforme que se joue l'avenir du chef de l'Etat en vue de la prochaine présidentielle - après des régionales désastreuses en mars. «Cette rentrée est un moment clé, c'est maintenant que tout se met en place pour 2012», selon le politologue Pascal Perrineau.

Mais le climat est délétère. Depuis des mois, le gouvernement est plombé par une succession d'affaires, en particulier le scandale politico-fiscal touchant le ministre du Travail Eric Woerth, artisan de la réforme des retraites.

Ce ministre clé du gouvernement défendra le texte fragilisé par une suspicion de conflits d'intérêts et financement politique illégal dans une affaire liée à la femme la plus riche de France, l'héritière des cosmétiques L'Oréal Liliane Bettencourt.

A force de révélations, le ministre est désormais considéré comme «totalement disqualifié» par les députés socialistes et les syndicats ne voient plus en lui un interlocuteur crédible.

Empoisonné par cette affaire, le président avait annoncé fin juillet un durcissement de sa politique sécuritaire, renouant avec un thème ayant participé à son succès en 2007.

Mais en décidant le démantèlement de camps illégaux de Roms et en envisageant de déchoir de leur nationalité certains criminels d'origine étrangère, il a suscité l'indignation de la société civile, de l'opposition, des églises, et l'inquiétude à l'étranger.

Samedi, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans toute la France contre ce tour de vis sécuritaire qui a suscité des tiraillements jusque dans son gouvernement et parmi certains ténors de la droite.

Selon le dernier sondage CSA publié dimanche, seuls 32% des Français font confiance au président, le chiffre le plus bas depuis juin 2007.