Déjà fragilisé, le ministre français du Travail Eric Woerth est désormais accusé d'avoir menti sur son rôle dans l'attribution d'une Légion d'honneur au conseiller financier de l'héritière du groupe L'Oréal, la question de son maintien au gouvernement étant de nouveau posée.

Alors que ce fidèle du président Nicolas Sarkozy doit défendre dans moins d'une semaine la délicate réforme des retraites devant le parlement, il est considéré comme «totalement disqualifié» par les députés socialistes et les syndicats ne voient plus en lui un interlocuteur crédible.

Jeudi, pour la première fois depuis sa mise en cause dans cette affaire --impliquant la milliardaire Liliane Bettencourt et mêlant favoritisme et financements politiques--, un dirigeant socialiste a ouvertement réclamé sa démission, tandis qu'un autre le qualifiait de «ministre en sursis».

Dans la soirée, le Premier ministre François Fillon est venu à son secours en affirmant dans un communiqué que M. Woerth faisait «face à une campagne de dénigrement inacceptable». Il lui a renouvelé «toute sa confiance» et assuré qu'il mènerait «à son terme au Parlement» la réforme des retraites.

Eric Woerth a reconnu devant des journalistes qu'il avait écrit, quand il était député et trésorier du parti présidentiel UMP (droite), un courrier à Nicolas Sarkozy (alors ministre de l'Intérieur) en mars 2007, où il plaidait pour l'attribution de la Légion d'honneur à Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt.

«Ce courrier vous l'avez vu, j'étais député, j'ai fait comme un simple député, c'est d'une grande banalité tout ça», a dit le ministre, assurant n'avoir «jamais dit (que cette lettre) n'avait pas existé».

Selon l'hebdomadaire L'Express, la police a saisi une lettre de mars 2007 dans laquelle M. Woerth demande à Nicolas Sarkozy de faire en sorte que Patrice de Maistre obtienne la plus prestigieuse distinction française, pour services rendus à l'UMP.

Le ministre avait jusqu'alors toujours démenti être intervenu en faveur du conseiller de la milliardaire.

Selon des sources proches de l'enquête, l'ex-chef de cabinet de M. Sarkozy au ministère de l'Intérieur, Laurent Solly, a récemment été entendu «comme témoin» par la police sur les modalités d'attribution de la Légion d'honneur, remise début 2008 à M. de Maistre par Eric Woerth.

Jeudi, le député socialiste Claude Bartolone a estimé que M. Woerth devrait démissionner car il «a menti» à propos de son rôle dans l'attribution de cette décoration.

Dans la foulée, le porte-parole du PS Benoît Hamon a dénoncé le «double mensonge» du ministre du Travail, accusé d'avoir à la fois menti sur son rôle et sur la véritable raison de la distinction du gestionnaire de fortune, récompensé selon lui non pas en sa qualité de chef d'entreprise, mais en «sa qualité de donateur» de l'UMP.

Eric Woerth est soupçonné de possibles conflits d'intérêts entre ses anciennes fonctions de ministre du Budget (mai 2007 à mars 2010), son ancien poste de trésorier de l'UMP et l'embauche de sa femme en 2007 par la société gérant le patrimoine de Liliane Bettencourt, laquelle est dirigée par Patrice de Maistre.

En outre, l'ancienne comptable de la milliardaire a accusé l'ex-trésorier de l'UMP d'avoir collecté illégalement des fonds auprès de Mme Bettencourt pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy en vue de la présidentielle de 2007.

De son côté, le ministre a toujours nié avoir commis la moindre faute et affirme être victime d'une «lapidation médiatique».

Mais alors qu'il était jusqu'ici soutenu de façon appuyée par le président Sarkozy lui-même, Eric Woerth a dû se contenter jeudi du soutien de son parti, avant de recevoir celui du Premier ministre.

L'UMP lui a apporté «tout son soutien», dénonçant dans un communiqué une «nouvelle entreprise de déstabilisation à son encontre, menée par l'opposition et les médias».