Croissance fragile, scandales à répétition et sondages désastreux: le président français Nicolas Sarkozy n'a guère de marge de manoeuvre pour affronter une rentrée politico-sociale qui s'annonce brûlante, avec une impopulaire réforme des retraites et un délicat remaniement.

Nicolas Sarkozy a présidé mercredi son premier Conseil des ministres de rentrée, avec le souci de calmer la polémique sur sa politique sécuritaire.

Le président a demandé aux membres du gouvernement de «redoubler de dialogue, de pédagogie, face aux inquiétudes et interrogations», tout en prévenant qu'il ne cèderait «pas à ceux qui cherchent la polémique systématique».

Selon un sondage TNS-Sofres publié mercredi, Nicolas Sarkozy serait laminé au second tour de la présidentielle par le socialiste et actuel président du FMI Dominique Strauss-Kahn (59% contre 41%), et également nettement battu par la patronne du Parti socialiste Martine Aubry (53-47).

À moins de deux ans de la présidentielle de 2012, «la question de la candidature de Nicolas Sarkozy reste posée» pour le politologue Philippe Braud, qui estime que «la principale contrainte qui pèse sur Sarkozy, c'est l'extraordinaire niveau d'exaspération par rapport à son style gesticulatoire».

«Le paradoxe de la France en cette rentrée, par rapport à d'autres pays européens, c'est qu'elle résiste plutôt pas trop mal à la crise économique (...) mais traverse une crise morale» dont le président «est le dépositaire», renchérit Stéphane Rozès, président de la société de conseil Cap (Conseils, analyses et Perspectives).

L'opinion publique «ne nie pas» les problèmes de sécurité ou la nécessité d'une réforme des retraites, mais se démarque d'un gouvernement perçu comme menant une «politique injuste qui favorise les riches», affirme Frédéric Dabi de l'Institut de sondages Ifop.

Censé rendre au chef de l'État la maîtrise de l'agenda politique après une série de polémiques, le virage sécuritaire estival n'a pas profité à M. Sarkozy.

Après plusieurs faits divers médiatiques, M. Sarkozy avait annoncé le 30 juillet que les camps illégaux de Roms seraient démantelés et certains criminels d'origine étrangère déchus de leur nationalité française.

Depuis, plus de 600 Roms ont été expulsés de France et cette politique établissant un lien entre insécurité et immigration a été violemment critiquée en France et a suscité la réprobation, de l'ONU jusqu'au Vatican.

Pour Frédéric Dabi, ce récent tour de vis n'a permis au président qu'un léger rebond dans les sondages et fait fuir un peu plus les jeunes et les cadres. «Sarkozy a peu de marges de manoeuvre. Il est assez frappant de voir sa cote de popularité stagner entre 30 et 35% depuis le début de l'année», souligne-t-il.

Les prévisions de croissance ont été abaissées à 2% au lieu de 2,5% pour 2011 et le pouvoir a confirmé la rigueur budgétaire avec l'annonce de la suppression en septembre de 10 milliards d'euros d'éxonérations fiscales, aussitôt dénoncée comme une «hausse d'impôt» déguisée par l'opposition.

Dans ce contexte morose, la réforme des retraites, chantier phare de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy dont l'examen doit débuter le 7 septembre au Parlement, s'annonce difficile et va remettre sur le devant de la scène le ministre du Travail Eric Woerth.

Ce pilier du système Sarkozy est fragilisé par une suspicion de conflit d'intérêts dans l'affaire Liliane Bettencourt, l'héritière du groupe L'Oréal suspectée de fraude fiscale et ancienne employeur de l'épouse du ministre.

Pour impulser un nouvel élan, le président a annoncé un grand remaniement pour octobre.

Pour Stéphane Rozès, le «remaniement est une condition nécessaire mais pas suffisante: il faut définir une feuille de route pour la fin du mandat» et, selon lui, autant Nicolas Sarkozy «a une vraie capacité à mobiliser dans les grandes crises», autant il «peine à tenir une feuille de route».