Les incendies de forêts en Russie pourraient remettre en suspension des particules radioactives dans les régions contaminées par Tchernobyl, mais pas dans des quantités dangereuses pour la santé humaine, selon des experts français.

«Du césium 137 radioactif issu de l'explosion de Tchernobyl en 1986 est répandu dans le bois des arbres et la litière (feuilles mortes) des forêts» dans certaines zones de Russie, d'Ukraine et du Bélarus, explique Philippe Renaud, chef du laboratoire d'expertise de la radioactivité environnementale de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

«Si ces arbres brûlent, le césium va se retrouver en suspension dans l'air, et peut être inhalé par la population et avec le vent arriver jusqu'en France», explique-t-il à l'AFP.

Le gouvernement russe a indiqué «surveiller attentivement la situation dans la région de Briansk», à la frontière avec l'Ukraine et le Bélarus, car en cas d'incendie, «des substances radioactives pourraient s'envoler avec la fumée et une nouvelle zone polluée apparaîtrait».

Selon l'association antinucléaire Robin des Bois, «les émissions radioactives issues de l'incendie des forêts au Kazakhstan près du centre d'essais nucléaires de Semipalatinsk en 2003 ont été détectées au Canada».

«En 2002, des incendies gigantesques en Russie avaient fait augmenter la contamination en césium 137 en France», rappelle M. Renaud.

«La radioactivité de l'air avait atteint en 2002 un millième de becquerel par m3 dans les pays les plus proches. En France, c'était un millionième de becquerel par m3. Ce n'est pas du tout dangereux», explique-t-il.

Le niveau de radioactivité en question est trop faible pour être détecté par le réseau de balises réparties en France, mais des stations capables de détecter des doses infinitésimales prélèvent en permanence de l'air pour l'analyser.

Analyser ces prélèvements prend plusieurs semaines. L'IRSN a promis de publier ces données sur son site web.

«La radioactivité dans ces bois n'est pas suffisante pour poser un problème pour la santé. Si ces bois brûlent, les habitants sur place seront exposés à deux fois la radioactivité naturelle», explique Jean-René Jourdain, qui dirige un programme de recherches qui évalue les retombées de Tchernobyl sur la santé des enfants vivant dans les zones contaminées.

«Les pompiers recevraient en quatre jours sur place un microsivert, soit un millième du niveau de dose qui commence à devenir préoccupant», selon M. Renaud.

Ce qui est dangereux, c'est d'inhaler les fumées toxiques dégagées par les incendies, en particulier pour les enfants, les personnes âgées, et les personnes souffrant de problèmes respiratoires (asthme, insuffisance respiratoire...), selon M. Jourdain, pharmacien radio-biologiste à l'IRSN.

Des associations antinucléaires ont exprimé leur inquiétude face aux risques de contamination.

L'Observatoire du nucléaire «conteste les affirmations rassurantes de l'IRSN», jugeant que le risque d'inhalation de particules radioactives, en particulier de césium «est bien réel et important, même si la radioactivité est faible», «entraînant un très fort risque de cancer».

Autre souci d'inquiétude, les sites nucléaires, comme celui proche de Sarov, à 500 km à l'est de Moscou, dont ont été évacués les matériaux radioactifs, selon les autorités russes. Les militaires russes abattaient vendredi la forêt aux alentours.

«La première chose à faire est effectivement d'éloigner du site les matières nucléaires et il est important que le site soit entouré d'un espace découvert, pour éviter que le feu se propage», explique Michel Brière, directeur général adjoint de l'IRSN.