La conseillère aux droits de l'Homme du Kremlin a démissionné vendredi au lendemain de la promulgation par Dmitri Medvedev d'une loi qui élargit encore les pouvoirs des services spéciaux, illustrant les espoirs déçus des défenseurs des libertés d'un assouplissement du régime.

«J'ai présenté ma démission» de la présidence du Conseil consultatif des droits de l'Homme, a déclaré Ella Pamfilova, refusant pour l'instant de commenter les causes de son départ mais admettant que sa décision n'avait «pas mûri subitement».

Mme Pamfilova «est probablement fatiguée de travailler pour rien», a commenté le leader du parti ultra-nationaliste LDPR, Vladimir Jirinovski.

Cette ancienne ministre des Affaires sociales au début des années 1990, une personnalité respectée par les défenseurs des droits de l'Homme sans pour autant être dans l'opposition, avait accepté cette fonction en 2002, sous Vladimir Poutine, arrivé deux ans auparavant à la présidence russe.

Mais ce conseil consultatif des droits de l'Homme, hérité par M. Poutine de son prédécesseur Boris Eltsine, n'a guère réussi à infléchir la politique appliquée par l'ex-agent du KGB, auquel a succédé en 2008 Dmitri Medvedev.

En juin, le conseil avait demandé à M. Medvedev, un juriste de formation sur lequel les défenseurs des droits de l'Homme avaient fondé des espoirs de libéralisation du régime, de refuser un projet de loi élargissant les pouvoirs du FSB (ex-KGB), les services de sécurité russes.

L'opposition et les défenseurs des droits de l'Homme avaient dénoncé une loi «dangereuse», exprimant la crainte qu'elle ramène le pays à la pratique des détentions arbitraires.

Mais M. Medvedev avait indiqué avoir été personnellement à l'origine de ce projet de loi, et l'a promulguée jeudi.

Cette semaine, Ella Pamfilova avait critiqué implicitement la direction russe en dénonçant la présence lors d'un rassemblement d'été d'organisations de jeunesse pro-Kremlin, d'une installation représentant les têtes d'«ennemis» de la Russie disposées sur des pieux.

Le président géorgien Mikheïl Saakachvili, l'ex-secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice, l'ancien patron emprisonné du groupe pétrolier Ioukos Mikhaïl Khodorkovski, ou encore la militante des droits de l'Homme et ancienne dissidente soviétique Lioudmila Alexeeva (83 ans) faisaient partie des personnalités visées.

Mme Pamfilova avait rappelé que Dimitri Medvedev avait rendu visite en juillet à ce rassemblement co-organisé par le gouvernement russe et par le mouvement de jeunesse Nachi («les Nôtres»).

Ce mouvement créé au début des années 2000 sous l'impulsion du Kremlin rassemble régulièrement des milliers de jeunes Russes pour des manifestations de soutien aux autorités ou des actions plus ou moins musclées d'inspiration «patriotique».

«En manipulant le thème du patriotisme, on forme des petits soldats de plomb capables d'exécuter n'importe quel ordre d'idéologues haut placés. C'est effrayant et dangereux», avait déclaré mardi Mme Pamfilova à l'antenne de la radio Echo de Moscou.

Un des dirigeants du parti pro-Kremlin ultra-majoritaire Russie unie, Alexeï Tchadaïev, a salué son départ, l'accusant d'avoir fait du Conseil des droits de l'Homme l'outil de «campagnes politiques».

La démission d'Ella Pamfilova est intervenue à la veille d'un nouveau rassemblement à Moscou de groupes d'opposition pour la défense du droit de manifestation inscrit à l'article 31 de la Constitution russe.

Ces manifestations, répétées sans autorisation des autorités depuis un an tous les 31 du mois, donnent à chaque fois lieu à l'interpellation de dizaines de militants.