Leurs caravanes suscitent de la méfiance, leur mode de vie fait l'objet de critiques. Les Roms, ou «gens du voyage», comme les désigne l'administration française, sont furieux d'être montrés du doigt par le président Nicolas Sarkozy. La France entend soumettre ces populations de tradition nomade à un nouveau tour de vis sécuritaire.

«On se prépare à ouvrir une nouvelle page noire de l'histoire de France», a dénoncé hier l'avocat de l'Union française des associations tsiganes (UFAT), Henri Braun, au cours d'une conférence de presse tenue à la veille d'une réunion interministérielle controversée à l'Élysée.

Le président Nicolas Sarkozy a suscité l'ire des associations, la semaine dernière, lorsqu'il a annoncé que cette rencontre viserait à «faire le point sur la situation des gens du voyage et les problèmes que pose le comportement de certains d'entre eux au regard de l'ordre public».

Il avait précisé d'emblée que des mesures seraient prises pour démanteler les campements illégaux. Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a confirmé hier en soirée que 150 des 300 campements visés seraient enlevés d'ici trois mois. On prévoit aussi accélérer les mesures d'expulsion des personnes qui ont porté atteinte à l'ordre public.

Amalgame raciste?

Le président avait convoqué cette réunion, qui a duré un peu plus d'une heure, en réaction à des émeutes survenues en Loir-et-Cher à la suite de la mort d'un jeune Tsigane de 22 ans, Luigi Duquenet, abattu de deux balles par un gendarme alors qu'il tentait de s'enfuir en voiture.

Les associations estiment que l'Élysée se livre à un «amalgame raciste» en liant ces incidents à la situation générale des Roms du pays.

Émile Scheitz, vice-président de l'UFAT, craint que l'intervention du président vienne renforcer les préjugés: «Quand les gens voient arriver des caravanes, ils se disent qu'ils vont se faire agresser, qu'ils vont se faire voler, mais ce n'est pas du tout ça. Ça fait des siècles qu'on est en France, qu'on s'intègre.»

Beaucoup de familles tsiganes de la région où vivait Luigi Duquenet ont «perdu la tête» de colère après la fusillade, souligne M. Scheitz, qui accuse les policiers d'avoir ouvert le feu sans sommation.

À la rencontre d'hier, plusieurs ont parlé carrément d'un «assassinat». «Si le gendarme s'en tire à bon compte, la réponse va être 100 fois pire», a prévenu un homme qui s'est présenté comme le cousin de Luigi Duquenet.

«Le président est là pour faire la paix, pas pour faire la guerre», a-t-il relevé en refusant de se nommer.

Répression

Plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que les Tsiganes - qui seraient de 300 000 à 500 000 en France - continuent à se heurter à des contraintes administratives qui limitent leur capacité d'intégration.

«Il existe en France une politique de répression qui prenait des masques de politique sociale... On est diabolisés, on est poursuivis, on est fichés», a relevé notamment Samir Mile, porte-parole de la Voix des Roms.

Les commentaires des associations rejoignent ceux des organisations de défense des droits de l'homme, qui pressent le gouvernement d'assurer des droits équivalents aux Tsiganes plutôt que d'accroître la répression.

«Sous surveillance constante, avec une liberté de circulation en France sous contrainte, incapables de s'arrêter là où ils le souhaitent... les gens du voyage peuvent légitimement être défiants envers des pouvoirs publics qui les traitent en citoyens de seconde zone», a souligné la Ligue des droits de l'homme il y a quelques jours.

Plusieurs formations politiques de l'opposition sont aussi montées au créneau, accusant le chef de l'État de viser les Tsiganes à des fins politiques. Ces critiques n'ont pas freiné le gouvernement. «C'était une réunion consacrée à la lutte contre l'occupation de terrains ou d'immeubles de manière illicite. Cela ne visait à stigmatiser aucune communauté, quelle qu'elle soit, mais à sanctionner des comportements illégaux», a assuré en soirée M. Hortefeux.