Le monde taurin espagnol retenait son souffle mardi, à la veille d'un vote parlementaire qui pourrait interdire les corridas en Catalogne et donner une victoire historique aux opposants à la tauromachie.

Le parlement régional de Catalogne doit décider mercredi matin s'il interdit ou non les combats de taureaux dans cette riche région du nord-est de l'Espagne, comme le réclame une «initiative législative populaire» (ILP).

Les derniers pointages semblaient indiquer qu'une majorité des 135 parlementaires catalans penchaient pour la prohibition des corridas, un coup de tonnerre pour la tradition séculaire de la «fiesta» espagnole.

En cas de succès de l'ILP, la Catalogne deviendrait la deuxième région d'Espagne à interdire la tauromachie, après l'archipel des Canaries qui l'a fait en 1991, avec un risque de contagion redouté par les milieux taurins.

Partisans et opposants à la corrida étaient donc mobilisés mardi avant un vote qui s'annonce très serré et dont les arrière-pensées politiques liées au nationalisme catalan étaient dénoncées par les défenseurs de la tauromachie.

C'est devenu une «question politique» dans une région où «l'idée est de proscrire tout ce qui est espagnol», clamait mardi l'éditorialiste du quotidien madrilène El Mundo (droite).

Ce thème est martelé depuis quelques jours par les médias conservateurs, qui voient dans la possible prohibition une volonté de revanche de hommes politiques catalans, après un récent arrêt du tribunal constitutionnel rognant certains aspects du statut d'autonomie de la région.

La liberté de vote a notamment été donnée aux 37 parlementaires socialistes par le président régional socialiste José Montilla, alors qu'un vote socialiste initialement prévu contre la prohibition aurait sans doute garanti un rejet de l'ILP.

Mais les opposants à la corrida, de plus en plus nombreux en Catalogne et soutenus par de puissants groupes internationaux de défense des animaux, rappellent que cette tradition est déjà en nette perte de vitesse dans la région, où seule la place «Monumental» de Barcelone organise encore des corridas.

L'ILP promue par la plate-forme «Prou!» (Assez!) avait recueilli l'année dernière plus de 180 000 signatures pour réclamer la révision d'une loi catalane interdisant de tuer ou maltraiter des animaux lors de spectacles publics, à l'exception des courses de taureaux.

Et la mobilisation internationale est également forte, venant d'organisations de défense des animaux qui réclament la prohibition de cette pratique «cruelle et obsolète».

La Société mondiale pour la protection des animaux (WSPA) a notamment transmis lundi au parlement catalan une lettre portant 140 000 signatures pour appuyer la demande d'interdiction.

Temps durs

Le vote intervient dans une contexte morose pour le secteur taurin en Espagne qui génère quelque 40 000 emplois et plusieurs milliards d'euros de revenus chaque année et subit depuis 2009 les effets négatifs de la crise économique.

Plusieurs régions espagnoles, dont celle de Madrid, ont annoncé, suite au débat catalan, leur intention d'inscrire la tauromachie à leur «patrimoine culturel» afin de protéger cette tradition, mais les anti-taurins y gagnent aussi du terrain.

Espérant un sursaut de dernière minute, les défenseurs français de la tauromachie, venant du pays voisin où elle demeure vivace, sont également montés au créneau.

Il faut défendre la liberté de choix et cette «passion commune» culturelle franco-espagnole, que «personne n'a le droit d'interdire», a affirmé mardi au quotidien La Razon le torero français Juan Bautista (Jean-Baptiste Jalabert).