L'Union européenne espère ramener davantage de cohésion en son sein sur la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo après l'avis de la justice internationale, qui met les États encore rétifs sous pression pour assouplir leur position.

En validant jeudi la déclaration d'indépendance du Kosovo de 2008, la Cour internationale de Justice (CIJ) «a mis en difficulté les pays européens qui ne la reconnaissent pas encore», souligne un diplomate européen de haut rang.

«Le débat sur la reconnaissance du Kosovo va redémarrer avec les conclusions de la Cour», souligne un autre diplomate, alors que la situation dans la région des Balkans doit être discutée lundi à Bruxelles à l'occasion d'une réunion des ministres européens des Affaires étrangères.

La question du statut de l'ancien territoire serbe, majoritairement albanophone, constitue depuis le début une épine dans le flanc de l'Union européenne puisque cinq de ses 27 pays      -l'Espagne, la Roumanie, la Grèce, la Slovaquie et Chypre- refusent toujours d'approuver la sécession du Kosovo.

À des degrés divers, tous redoutent que ce précédent ne nourrisse ou ne valide des tentations séparatistes chez eux. Du côté des Catalans ou des Basques en Espagne, des minorités hongroises en Roumanie ou Slovaquie, ou des Turcs à Chypre.

Ce clivage fait mauvais effet au moment où l'Europe fait de la stabilisation des Balkans occidentaux un test pour sa diplomatie et qu'elle s'est dotée, avec Catherine Asthon, d'une Haute représentante aux Affaires étrangères aux pouvoirs renforcés, chargée précisément de mieux coordonner l'action extérieure de l'UE.

Pour l'heure, les pays qui se démarquent du reste de l'UE se veulent fermes. La Roumanie et l'Espagne ont maintenu leur position de non reconnaissance après l'avis de la CIJ.

Mais la pression monte. «J'encourage tous les autres États qui ne l'ont pas encore fait à reconnaître désormais le Kosovo», a demandé le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague. Les États-Unis ont envoyé un message similaire.

Des signes d'assouplissement sont déjà perceptibles. Les 27 pays de l'UE -y compris donc les 5 qui refusent l'indépendance du Kosovo- sont ainsi tombés d'accord cette semaine, après des discussions difficiles, sur une réaction commune à l'avis de la CIJ qui souligne qu'une «nouvelle phase» s'ouvre et que l'avenir tant de la Serbie que du Kosovo «se situe dans l'Union européenne».

Un premier pas vers la reconnaissance par les 27 pour Pristina?

Les pays réticents ont en tout cas voulu calmer le jeu pour éviter que l'avis de la CIJ ne soit utilisé par la Serbie ou le Kosovo pour jeter de l'huile sur le feu.

Pour Michael Emerson, analyste du Center for European Policy Studies, la décision de la Cour «pourrait les encourager à prendre une nouvelle décision, favorable à la reconnaissance» à terme.

L'UE espère à long terme que la perspective d'une adhésion convaincra même la Serbie d'assouplir sa position. Belgrade a fait acte de candidature en décembre.

Dans l'immédiat, les Européens s'évertuent à rassurer ceux que le précédent kosovar inquiète. L'avis de la Cour sur le Kosovo concerne «une situation particulière», affirme le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle.

Il n'empêche, pour certains la boîte de Pandore est ouverte.

«C'est évidemment du pain béni pour les régions où l'aspiration à l'indépendance se manifeste avec force. Je pense à la Catalogne mais aussi à la Flandre», voire à la minorité francophone vivant dans la banlieue flamande de Bruxelles, a estimé Jules Gheude, responsable du Gewif, un mouvement prônant le rattachement de la région belge de Wallonie à la France.